Rémission pour Jullien Laurens

Registre B33 Lettre n° 50

28/09/1531

<172 recto>
Remission pour Jullien Laurens, la verificacion
au seneschal de Ploermel.
[1]
Francois, etc, savoir faisons a tous presens et advenir,
[2]
nous avoir receu l'humble supplicacion et requeste
[3]
des parens consanguins et amys de notre pouvre
[4]
subgect Julien Laurens natiff et demeurant
[5]
en la vie de Guer ou diocese de Saint Malo, sergent
Gratis pour ce qu'il
avoyt poyé
en France

[6]
general et garde des prinsons dudit Guer,
[7]
aagé de trante ans ou environ, chargé de femme
[8]
et enfans, Contenant que le mercredy dix huitieme
[9]
jour d'aougst mil cinq cens vingt neuf,
[10]
auquel jour avoit marché audit lieu
[11]
de Guer, ledit suppliant estant a la place
[12]
ou l'on vendoit le bestail [?daumaille?] faisant
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ses negoces et affaires, se trouva illec
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Jehan Bonnet, Sr de La Birdoullaye, procureur
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dudit Guer qui estoit a cheval et ung sien
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serviteur a pied avecques luy, auquel
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ledit suppliant demanda : « Ou allez-vous mon
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maistre ? »
Qui luy dist qu'il s'en alloit couscher <172 verso>
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a La Bardoullaye et estuyir le bled que ses
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bapteues y avont celluy jour baptu. Ledit
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suppliant luy dist qu'il s'en alloit avecques
[22]
luy pour luy fere compaignye et semblables
[23]
se trouva illec oudit marché Maistre
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Jehan Duporcano, lieutenant ordinaire
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dudit Guer qui fut assi content leur
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fere compaignye et prindrent leur chemin
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d'aller audit lieu de La Bardoullaye
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sans penser en mal quelzconque,
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et que ilz furent au-desus ladite ville
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tirant devant a ung carrefoure nommé Le
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pont Mymez, ilz virent audit carrefoure
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ung nommé Jacques Le Bastard, filz du Sr
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de Kervignet, Guyon Hendelor a present deffunct,
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filz du Sr de Boesic, Jehan Hendelor
[35]
dit Gerrezan, serviteur du Sr de La Tohiciere,
[36]
dom Jehan de La Porte et plusieurs
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aultres en leur compaignyes et
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lors que lesdits Bonnet, procureur, ledit supliant
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et de Parcano les virent, icelluy Bonnet
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dist telles ou semblables parrolles :
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« Qui sont ces gens la ? Ce n'est la leur
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chemyn a s'en aller. Je mectre qu'ilz me
[43]
serchent et qu'ilz ont envye d'avoir
[44]
querelle avecques moy ! »
Et quant <173 recto>
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fut audit carrefoure ledit Bonnet, eut
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craincte d'eulx et se voullut destourner
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par aultre chemin pour ce qu'ilz estoint en son
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chemyn et estant ledit Guyon sur ung
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mullet et ledit Gerrozan sur ung cheval
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dirent audit Bonnet pour ce qu'ilz le voyoint
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destourner chemyn : « Venez par icy !
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Voyez votre chemyn ! »
Lequel Bonnet
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respondit :« Je m'en voys par deca ches
[54]
ung nomé Fleury, querrir quelques ferrailles
[55]
qu'il m'a habillé que je veulx emporter. »

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Et encores luy dirent derechef :
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« Venez par lha ! Voycy votre chemyn ! »
[58]
Et en l'endroit d'eulx ledit dom Jehan de La
[59]
Porte adressoit ses parolles venant allencontre
[60]
dudit Bonnet dist : « Par dieu ! quant je n'y
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suys point, on me appelle meschant et
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quant je y suys, on ne me dit riens. »
Et
[63]
pluseurs aultres parrolles de querelle adressant a
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icelluy Bonnet auquel La Porte icelluy
[65]
Bonnet dist : « Parlez-vous a moy, La Porte !
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Vous aurez tousiours quelzcques grougnes, il vous faulzt
[67]
tousiours quelques chose de querrelle. Je ne parle
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de vous en votre presence, ne en votre absence, ny
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bien ny mal. »
Et apres qu'ilz eurent eu quelques
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aultresparrolles ensemble, leditsuppliant dist qu'il
[71]
ne failloit point avoir debat ensemble et
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qu'ilz estoint trop gens de bien pour avoir noyse.
[73]
Et lors, leditde La Porte dist audit supliant : <173 verso>
[74]
« Couraige[? marry ?]te fault-il mesler des differans
[75]
des gentilzhommes ? Je te bailleroy deux soufflects
[76]
sur ton visaige et puis me faiz citer a Saint Malo
[77]
pour en avoir l'amende. »
Et en l'instant desdites
[78]
parrolles ledit Guyon Hendelor, a present deffunct,
[79]
descendit de dessurs sondit mullet disant telles
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parrolles : « Sang dieu, villain ! de quoy te
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mesle-tu ? »
Et desgaigna son espee
[82]
disant audit suppliant : « Par le sang dieu, je te
[83]
baptray tant que je te feroy recroyre. »

[84]
Quoy voyant, icelluy Bonnet,
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procureur, dist audit suppliant :« Va-t-en ! Va-t-en ! »
[86]
Ce que ledit suppliant differoit, touteffoiz
[87]
pour obeir audit procureur, il s'en alla
[88]
dicelluy lieu ches luy audit lieu de Guer
[89]
et luy y arrivé, alla aux prinsons dudit Guer
[90]
desquelles il est geolier et garde, comme
[91]
dit est, pour scavoir s'il failloit quelque
[92]
chose a ung nommé Flageul qui y estoit
[93]
detenu prinsonnier pour son entretenement et
[94]
aussi pour parler pour ledit prinsonnier a
[95]
Francoys de La Landelle, gresfier dudit Guer,
[96]
et pour ce qu'il estoit desia nuyct et que
[97]
ledit suppliant n'osoit sortir de sa maison
[98]
sans baston, print une hache aultrement
[99]
dicte hallebarde en sa main et s'en
[100]
alla au logeix dudit de La Landelle, greffier,
[101]
ou il fut par quel que temps. Et comme <174 recto>
[102]
ledit suppliant retournoit ausdites prinsons quant il fut
[103]
[?en droit?] et au-devant la maison ou il faisoit
[104]
lors sa demeurance, rencontran [?au terveau?]
[105]
ledit Guer, ledit Guyon Hendelor et en sa compaignye
[106]
Guillaume de La Porte, son proche parent qui estoint
[107]
retournez audit lieu de Guer, et comme ilz
[108]
marchoint etaprochoint [??] [?veut?]bien icelluy
[109]
suppliant que c'estoit ledit Guyon Hendelor
[110]
qui ledit jour l'avoit voullu oultraiger
[111]
et avoit desgaigné sur luy et demanda a
[112]
icelluy Guyon Hendelor s'il estoit retourné
[113]
la pour le sercher, luy disant qu'il ne le serchast
[114]
point et tout incontinent ledit Guyon Hendelor
[115]
desgaigna sadite espee qu'il avoit a son costé
[116]
et lors s'entreruerent l'un allencontre de l'aultre
[117]
aulcuns coups dont de fortune [??] diceulx
[118]
ledit suppliant attaignit ledit Guyon Hendelor
[119]
du bout de sadite hache ou hallebarde
[120]
en l'estoumac et alors dist ledit Hendelor :
[121]
« Je suis mort ! » Duquel coup, a faulte de bon
[122]
appareil ou aultrement, certains jours apres icelle,
[123]
Hendelor s'estoit allé de vie a trespas.
[124]
Pour raison duquel cas ainsi advenu,
[125]
ledit suppliant craignant rigueur de justice
[126]
s'estoit absenté de cestuy notre pays ouquel
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ne ailleurs en notre royaulme il n'ozeroit
[128]
seurement demeurer si noz grace et
[129]
misericorde ne luy estoint sur ce imparties,
[130]
en nous humblement requerans <174 verso>
[131]
que actandu le cas ainsi advenu en son
[132]
corps deffendant et que en aultres choses
[133]
ledit suppliant soit bien famé et renommé, sans
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avoir jamais faict ou commis aultre villain cas
[135]
digne de reproche icelluy impartir audit
[136]
Laurens, et pourquoy nous, etc.

Pelerin