24/05/1531
<73 verso>
Placet dirigé aux
senneschal ou alloué de
Ploermel quant affin d'antheriner les
lettres de grace de Jehan Le Breton,
autrement dit Johannes,
lesdites lettres
de grace impetrees
pour l'entree de
la royne a Bloys ou moys de
novembre mil vcxxx dont la teneur
ensuilt.
[1] Eleonor, par la grace de dieu, royne de France,
[2] a tous
presens et a venir, salut. Comme suyvant les droitz,
[3] arrectez, prerogatives et
preheminence dont noz
[4] predecesseresses roynes ont de tout temps et ancieneté
[5] acoustumé joyr
et user, nous loise et
apartiene a
[6] notre joyeuse et
premiere entree en
chacune ville, cité,
[7] bourg,
chacune place forte de ce royaulme et aultres
[8] lieux, pays, terres et
seigneuries du roy, mon seigneur,
[9] pere et legitime
administrateur et usufructuaire des biens
[10] de
notre tres cher et tres amé filz, le daulphin, duc
[11] propriétaire des pays et duché de Bretaigne,
fere
[12] ouvrir les prisons
desdits lieux et dicelles faire
[13] delivrer et mectre hors tous et
chacuns les
prisonniers
[14] qui lors y seront trouvez detenuz pour leur faire grace
[15] et remission selon
nosdits droitz et
arrectez, et soit ainsi
[16] que a
notre premiere joyeuse et nouvelle entree en la ville
[17] de Bloys, ayons faict ouvrir les prisons
dudit lieu
[18] esquelles entre
autres prisonniers, y trouvez et delivrez
[19] y estoit ung nommé Jehan Lebreton, autrement dit
[20] Jouannes, pouvre
homme de bas estat et marchant
[21] fillandier de la parroisse de Paimpont en la forest de
[22] Bressellien ou pays de Bretaigne, chargé de femme
[23] et pluseurs petitz enfens,
pour le cas cy-apres de
decleré,
[24] C'est assavoir
que, a ung certain jour de sabmedi,
[25] envyron la Sainct Michel, en l'annee mil cinq cens
<74 recto>
[26] vingt oinct ainsi
que luy semble aultrement du
[27] jour n'est records,
ledit suppliant se
partit de sa maison
[28] et alla au gué de Plelan ou a iceluy jour
[29] y avoit marché, auquel lieu il achapta du fil,
[30] et en la
compaignie de pluseurs gens, il beut et
[31] mengea cheix la veufve de Olivier Destoc et y firent
[32] bonne chere jucques envyron l'heure de vespres
dudit
[33] jour que
ledit Lebreton
suppliant pour aller a sa
[34] maison ou il estoit lors demourant ou villaige
[35] de Couguenne en
ladite parroisse de Paimpont, se
partit
[36] et alla en la compaignie de Yvon Olivault, a
present
[37] desfunct, Pierre Labé, Jehan Grosset dit Betonyn,
[38] et aultres, jucques aupres de la maison
[39] de Michel Benoist, et eulx estans a l'endroit de
ladite
[40] maison, dist
ledit suppliant aux
dessurdits qu'il voulloit
[41] retourner
audit gué de Plelan querir ung
nommé
[42] Getoux qu'il y avoit lessé et defaict, y retourna
[43] mais pas ne le trouva. Par quoy il s'en revint
[44] tout droit son chemyn pour tirer a sa maison et
[45] passa par le villaige de la Riviere en la parroisse
[46] dudit Plelan auquel lieu faisoit lors taverne et tenoit
[47] vin en vente Ravulline Foloveille, veufve de feu
Guillaume
[48] Texier, et luy arryvé a
ladite maison, demanda
[49] a
ladite Ravulline qui estoit leans
*, qui luy respondit
[50] que s'estoint
lesdits Yvon Olivault, Jehan Grosset, Jehan
[51] Houssan, filz de Yvon Houssan, Pierre Berhault et
[52] Pierre Labé,
et par quoy
ledit suppliant y entra sans
[53] penser a aucun mal, noise, ne debat et les
[54] trouva en la chambre basse ou ilz beuvoint et
[55] incontinant, fist tirer ung pot de vin qui leur fist
[56] porter de
par luy, disant qu'il leur donnoit
[57] par forme que
chacun des assistans eu deussent
[58] payer autant, a quoy respondit
ledit Jehan
[59] Houssan
que s'estoit bien dit et qu'il failloit doncq
[60] de la chandelle qui leur fut baillee et beurent
[61] ledit pot de vin faisans bonne chere ensemble.
<74 verso>
[62] Et estoit lors envyron nuyct fermante et
[63] apres
ledit pot de vin beu
ledit Lebreton
suppliant
[64] dist
audit Olivault, deffunct, par telles ou
semblables
[65] parrolles :
« Yvon, payez votre pot de vin ou payez
[66] votre part de cestuy-ci que avoins beu ! » A quoy
[67] respondit
ledit Olivault fierement par telles
[68] parrolles :
« Je payerois mieulx que toy ! » dont
[69] ledit suppliant se couroucza et luy dist qu'il avoit
[70] plus de terre et qu'il payeroit plus a son
Sr
[71] que luy, et en l'heure luy dist et respondit
[72] derecheff
ledit deffunct encouraigé, mary, qu'il
[73] payroit bien tout ce que
ledit suppliant avoit, baillant
[74] en ce monde et n'en forgeroit ja moins. Et
[75] sur ses termes, arriva l'hotesse qui leur dist qu'ils
[76] n'avoint que
fere d'entreprandre tant touchant
ladite
[77] achoison
* et demanda l'argent
dudit pot
[78] de vin
audit suppliant, lequel parce qu'il estoit
[79] lors couroucé, luy respondit chauldement que
[80] par le sang dieu il n'en payeroit riens
[81] si les aultres n'en payoint autant. Et voyant
[82] les assistans de la
compaignie que iceulx
[83] suppliant et Olivault, deffunct, avoint debat
[84] l'un a l'autre, se leverent de table
[85] disans :
« Alon-nous en puisqu'ilz veullent noises. »
[86] Et de faict se misrent en la place de
ladite
[87] maison ou
ledit Houssan dist
audit Grosset :
[88] « Paye pour moy et le matin je rembourceré ce que
[89] tu diras que je devray payer ! » Ce que fist
[90] ledit Grosset, et incontinent s'en sortit
ledit Olivaud
[91] tout le premier de
ladite maison en noisant encore
[92] avecques
ledit suppliant et s'entredisant pluseurs
[93] parrolles, des rumeur et noise, et peu apres
[94] sortirent
lesdits suppliant, etands
dessurs nommez, et
[95] comme ils furent hors
ladite maison dedans le
[96] grant chemyn et au coing du jardin dicelle
<75 recto>
[97] ledit
suppliant qui estoit troublé et surprins de vin
[98] et qui
ledit jour n'avoit quasi cessé de boyre
[99] aussi qu'il estoit yvre et esmeu a moyen de
[100] ladite noise et debat, se approcha
dudit Olivaud qu'il
[101] print par le collet et d'un cousteau qu'il avoit
[102] et lequel il avoit acoustumé porter pour coupper
[103] son pain et
autres petitz
asferes, en chaulde colle luy
[104] donna ung ou deux coups mais ne sceit
bonnement
[105] lequel ne en quel endroit parce qu'il estoit nuyct
[106] et qu'il estoit troublé ainsi que dit est, et
[107] sur ce y eut lors cry de force, par quoy se
[108] retira
ledit suppliant ung peu
arriere et veid
[109] tumber
ledit Olivaud et incontinent
ledit Jehan
[110] Houssan se approcha
dudit suppliant et le print
[111] au braz disant demeuré. A quoy il respondit :
[112] « Lasche moy ou je te donneray de ce cousteau ! »
[113] Faisant semblant l'en voulloir frapper.
[114] Par quoy
ledit Houssan le lascha et tantost
[115] apres ung
nommé Yvon Houssan qui passoit
[116] par aupres
dudit suppliant demanda :
« Qui esse la ? »
[117] Lequel
suppliant encores tout esmeu et ayant
[118] encores son cousteau en sa main de peur d'estre
[119] prins, respondit ces motz :
« En voullez-vous avoir ? »
[120] Et sur ce point, s'en alla
ledit suppliant droit au
[121] bourg de Plelan. Et le lendemain au matin,
[122] ouyt dire que la nuyt mesme
ledit Olivaud alla
[123] de vie a trespas par faulte de bon appareil,
[124] gouvernement ou autrement, a ceste
cause,
ledit
[125] suppliant, craignant rigueur de justice, s'est absenté
[126] du pays auquel n'y ailleurs en ce royaulme
[127] il n'oseroit bonnement converser, ne reperer, si
[128] par nous ne luy estoit sur ce pourveu en nous
[129] humblement requerant que actendu ce que
[130] dit est et que en tous aultres cas, il est bien
[131] famé et
renommé sans
jamais avoir esté actaint ne
convaincu
[132] de justice, nous luy veillons sur ce impartir noz lettres
[133] de rémission, grace, pardon et miserricordre. Pourquoy,
etc
[134] signé par la royne, Gaultyer,
et seellé de cyre rouge.
De Kerguern