Registre B34 Lettre n° 38

06/07/1532

<139 verso>
Remission pour Raoullet Herneleu dont
la teneur ensuilt, adressee aux juges de Rennes.
[1]
Francois, etc, savoir faisons, a tous presents et a venir, nous avoir receu
[2]
l'humble supplicacion et requeste des parens et amys consanguins de
[3]
Raoullet Herneleu de la paroisse de Chevigné en l'evesché de Rennes, Contenant
[4]
que a jour et feste Saint Eloy, vingt cinquieme jour de juign l'an mil vc xxiiii,
[5]
ledit Herneleu et Jehan Moncel retournans du bourg de Mouaisé
[6]
envyron une heure ou demye heure avant soulleil cousché dicelluy
[7]
jour auquel lieu ilz estoint allez a la foire et voyage de Saint Eleoy
[8]
qui estoit ledit jour, eulx accompaignez de Ollivier Bedel et plusieurs
[9]
autres personnes ; et eschauffez de vin, tirans leur chemyn a s'en
[10]
aller dudit bourg a leurs maisons et demourances situees en ladite
[11]
paroisse de Chevigné pres et au-dessus dudit bourg de Moaysé comme
[12]
envyron ung trect d'arc, trouverent Phelippes Boullaye et
[13]
Jehan Jouannolles, clerc, qui iceluy jour avoit cité d'office ledit
[14]
Ollivier Bedel. Auquel Jouhannolles, ledit Bedel demanda le double
[15]
de la citacion qu'il luy avoit ledit jour fecte disant ledit Bedel et
[16]
ung nommé Alain Prudhomme, dit Larcher, avoir celuy jour juré
[17]
le nom de dieu. A quoy ledit Jouannolles respondit par plusieurs
[18]
foiz audit Bedel qu'il ne luy se auroit bailler le double de
[19]
ladite citacion jucques a avoir trouvé une escriptoire a raison
[20]
qu'il disoit avoir celuy jour perdu la sienne. Et ce voyant
[21]
lesdits Herneleu et Moncel et autres de leur compagnye
[22]
voullans savoir si de faict ledit Jouhannolles disoit vroy
[23]
d'avoir perdu sadite escriptoire sercherent* ledit Jouannolles
[24]
et ne luy trouverent aucune escriptoire. Et par apres,
[25]
sercherent ledit Phelippes Boullaye qui paroillement estoit
[26]
clerc, assavoir s'il avoit escriptoire pour la prandre
[27]
affin d'avoir et retirer dudit Jouhannolles ledit double
[28]
de citacion. Et en serchant, ledit Boullaye l'abatirent les
[29]
dessurdit et que que soit tomba et cheut ledit Boullaye contre
[30]
terre et jurant lesdits Herneleu, Moncel et autres de
[31]
leurdites compaignye le nom de dieu que s'il trouvoint
[32]
aucuns en leur chemyn il les bateroint come villains. Et
[33]
alors ledit Allain Preudhomme dit Larcher estant oudit chemyn
[34]
loign d'eulx come envyron a ung gect de boulle, print une
[35]
pierre en sa main et adressant ses parolles ausdits Moncel, Herneleu,
[36]
Jouhannolles et Boullaye et a ung autre nommé Gerard
[37]
qui pareillement estoit avec eulx, dist telles ou semblables
[38]
parolles : « Qu'esse-la ? Qu'esse-la, Messrs ? Il ne fault point
[39]
avoir de debat. Il est temps de s'en aller. »
Et sur tant, les
[40]
surnommez tirerent amont ledit chemyn vers ledit Preudhomme,
[41]
aperceurent lors qu'il tenoit ladite pierre en l'une de ses mains <140 recto>
[42]
sans toutesfoiz qu'il fist contenance d'en voulloir frapper
[43]
aucun d'eux ; et lors qu'ilz furent a luy arivez, ledit Herneleu
[44]
demanda a icelluy Preudhomme pourquoy il tenoit ladite pierre et
[45]
qu'il en voulloit fere, disant qu'il la eust gectee contre
[46]
terre ce que fist ledit Prodhomme liberallement. Et sur tant,
[47]
print ledit Herneleu ledit Prodhomme au poil, l'abatit et gecta
[48]
contre terre en une fosse pres dudit chemyn. Et luy estant
[49]
ainsi cheu, lesdits Herneleu et Moncel prindrent ledit
[50]
Prodhomme, le foullerent et trainerent par ledit chemyn et luy
[51]
donnerent plusieurs coups et collees tant de pied que de poing,
[52]
puys luy fut aydé a soy relever par aucuns des asistans ;
[53]
et iceluy Preudhomme relevé, fut dit par ung nommé dom
[54]
Jehan Bezardaye qui arryva illec monté sur ung cheval
[55]
telles ou semblables parolles : « Quoy, Chevignays, vous laissez
[56]
vous baptre aux [?mellessays?] ! »
Et sur tant lesdits Moncel,
[57]
Herneleu, Jouannolles et Gerard reprindrent et abatirent
[58]
a terre ledit Preudhomme, luy tirerent les cheveulx et luy
[59]
donnerent du poing et des piedz plusieurs coups et collees
[60]
sur aucuns lieux et endroitz de son corps, ne sceit ledit
[61]
Herneleu combien, et le trainerent par le chemyn come envyron
[62]
ung gect de plataine*. Et davantaige ledit Moncel qui
[63]
estoit lors eschauffé et emboitté de vin, donna audit Prodhomme
[64]
troys coups d'un petit cousteau tranchepain qu'il avoyt
[65]
evaginé en sa main savoir : l'un desdits coups au ventre, l'autre
[66]
en l'une des cuisses vers le jaret et l'autre en une espaule
[67]
sur ung braz jucques a grand effusion de sange. Et outre
[68]
ledit Herneleu foulla o les piedz et genoulx ledit Prodhomme
[69]
et le print au poil et luy aracha et luy donna de la main
[70]
sur le visaige en jurant la chair dieu [?c'est en despit
[71]
de la chesvaille?]
quel Preudhomme fut derecheff
[72]
relevé et cuidant s'en aller a sa maison, ne se peult
[73]
soustenir et fut prins et porté en la prochaine maison
[74]
dudit debat. Et sur ce s'en allerent lesdits Moncel, Herneleu,
[75]
Jouannolles, Gerard, dom Jehan Bezardaye et Ollivier Bedel
[76]
ensemblement en leurs maisons. A raison desquels
[77]
coups et exceix, sortirent audit Prodhomme partie desdits
[78]
boyaulx hors de son corps et alla ledit Prodhomme le lendemain
[79]
ensuyvant apres avoir esté confessé, par default de
[80]
gouvernement, pensement ou autrement de vie a trespas.
[81]
A raison duquel cas et homicide s'est ledit Herneleu
[82]
retiré en franchise et rendu desoncques puys hors cedit
[83]
pays et duché. Outre, nous ont lesdits suplians remonstré
[84]
que le neufiesme jour de may dernier a notre joyeusse venue
[85]
et premiere antree en la ville de Foulgeres, fut par nous <140 verso>
[86]
faict fere ouverture des prisons dudit lieu et faict
[87]
eslargir de notre auctorité touz et chacun les prisonniers estans
[88]
en icelles pour leur fere grace et remission. Entre lesquelz
[89]
y estoit ledit Herneleu pour ledit cas de meurdre sur
[90]
declairé et de notre commandement fut delivré et mis
[91]
hors desdites prisons. Et pour fere expedier ses lettres de
[92]
remission et pardon dudit cas en forme levé, luy fut par
[93]
nous donné et octroyé temps et terme de troys moys
[94]
qui encore durent come peut aperoir pour l'acte de relacion
[95]
de ce faisant mention atachee acestes nos presentes
[96]
lettres de grace soubz le contreseel de notre chancellerie
[97]
de cedit pays. Plus, nous ont lesdits suplians remonstré
[98]
que ledit Herneleu est jeune home ayant charge de femme
[99]
et enffans, bien vivant, bon marchant et laboureur et
[100]
bien renommé, sans jamais avoir esté reprins ne accusé
[101]
d'aucun autre mauvays cas jucques a celluy le present
[102]
qui luy advint par malle fortune et en chaude colle
[103]
sans y pansé. Et auparavant ledit cas n'avoit oncques
[104]
eu debat ne querelle avec ledit Prodhomme et ne
[105]
le pensoit trouvé ne rencontré en sondit chemyn come
[106]
il fist d'avanture et de cas fortuit. A raison duquel
[107]
cas craignent et doubtent lesdits suplians que l'on vousust
[108]
proceder vers ledit Hernelleu a rigueur de justice
[109]
et pugnition corporelle si par nous ne luy estoint
[110]
imparty dudit cas noz lettres de grace, remission
[111]
et pardon, tré humblement nous requerans icelles.
[112]
Pour quoy, etc.

Mandart