Rémission pour Guillaume Derien

Registre B33 Lettre n° 3

11 janvier 1530 [11/01/31]

<5 recto>
Remission pour Guillaume Derien, la verificacion
a la court de Karahes,
dont la teneur ensuilt.
[1]
Francois, etc, a tous presens et a venir, salut. Savoir
[2]
faisons, nous avoir receu l'humble supplicacion et requeste
[3]
des parens et amys consanguins de Guillaume Derien, natiff
[4]
de la ville de Rostrenan, en l'evesché de Cornouaille,
[5]
Contenant que, le vingt troisieme jour d'octobre derroin, entre
[6]
huit et neuf heures du matin, ledit Derien partit de
[7]
sa maison estant en ladite ville de Rostrenan, pour aller au manoir
[8]
de [?Rivelo?] distant dudit Rostrenan de deux lieues, savoir
[9]
et entendant que luy voulloit la dame dudit [?Rivelo?] que les mercredi
[10]
et jeudi precedans, luy avoit mandé aller par devers elle.
[11]
Laissa, ledit Derien, Katherine de Kergrel, sa femme, encores
[12]
couchee en leur lict laquelle lui demanda s'il retournavoit
[13]
ledit jour en ville a l'heure de soupper, qui luy respondit
[14]
ne savoir quel affere auroit ladite damoiselle de [?Rivelo?]
[15]
et que s'il ne retournoit a seix heures de soir
[16]
a soupper quelle fust aller soupper en la maison de
[17]
Thomas Berthault audit Rostrenan et eust porté o* elle
[18]
une espaulle de mouton estant en ladite maison et
[19]
qu'ilz ne l'eussent point actendu l'heure de soupper
[20]
passee, et dist oultre a ladite Katherine, que
[21]
si Jehan Dufresne, recepveur de la traicte des bestes
[22]
viffves en cedit pays, fust cependant venu ou envoyé
[23]
en leur maison, qu'elle luy eust baillé quatre vingtz
[24]
cinq textous que ledit Derien, comme commis dudit Dufresne,
[25]
avoit des le moys de septembre dernier receuz de
[26]
Guillaume Genyomarch et Guillaume Clohies marchans de <5 verso>
[27]
beuffs lesquels testous estant dedans une bourse de
[28]
cuyr en une bouette de laquelle ledit Derien avoit
[29]
paravant celuy jour baillé la clesf a sadite femme
[30]
affin de bailler lesdits testous audit Dufresne ou autre
[31]
qui de par luy les fust venu demander en abscence dudit.
[32]
Et incontinent s'en alla ledit Derien ouyr la messe,
[33]
puis fut desjuner ches ledit Berthault et tost apres
[34]
monta a cheval et alla audit lieu de [?Rimelo?] ou il
[35]
ne sesjourna que envyron troys heures et illecq et
[36]
print charge de la dame dudit lieu de intimer
[37]
a sa requeste ung mandement que nagueres elle avoit
[38]
impetré, puix remonta a cheval pour retourner audit
[39]
Rostrenan et y arryva envyron l'heure de seix
[40]
heures du soir et descendit chez ledit Berthault
[41]
ou il avoit prins ledit cheval et trouva ladite
[42]
Katherine qui y estoit aller pour soupper ainsi qu'ilz
[43]
avoint deliberé le matin dudit jour. Et en entrant
[44]
tous deux en ladite maison, demanda ledit Derien
[45]
si le sopper estoit prest, a quoy fut respondu
[46]
qu'il ne restoit que se asseoir a table,
[47]
ce qu'ilz firent et y furent envyron l'espace d'une
[48]
heure faisans grans chere. Durant lequel temps et
[49]
peu auparavant dire graces, apperczeut
[50]
ledit Derien que on venoit fere quelques messaiges a ladite
[51]
Katherine et voyant que icelle Katherine
[52]
changeoit souvent de coulleur et contenance,
[53]
eut suspeczoy que ladite Katherine lui avoit faict
[54]
quelque mauvaix tour et qu'elle estoit retournee
[55]
a sa precedante vie et mauvaix gouvernement dont
[56]
ledit Derien l'avoit puis nagueres retirer et appeller
[57]
a sa compaignie esperant qu'elle se y fust gouvernee
[58]
et traictee comme une femme de bien doit faire en
[59]
mariaige. Et a ceste cause ledit Derien pria ceulx
[60]
de la compaigne de dire graces et icelles dictes
[61]
print congés dudit Berthault et s'en allerent luy
[62]
et sadite femme a leurs logeix et avecques eulx Jehanne
[63]
Lemee pour les acompaigner, laquelle Jehanne avoit
[64]
aussi souppé cheix ledit Berthault. Et eulx arrivez
[65]
ou logeix dudit Derien, veyt iceluy Derien
[66]
ung homme, a luy incongnieu, sortir dudit logeix
[67]
fuyant sitost qu'il ne le peut congnoistre, lequel
[68]
Margarite Tourneuil demeurant en la maison dudit
[69]
Derien appella luy disant : « Venez cza retournez. » <6 recto>
[70]
Et sur ce dit ledit Derien a ladite Katherine que
[71]
c'estoit quelque rustres et paillard qui estoit venu a elle.
[72]
A quoy ladite Margarite luy respondit que
[73]
c'estoit Julien, serviteur d'un nommé de Rosmadec. Et
[74]
apres ledit Derien et ladite Katherine de Kergrel sa femme estre montez
[75]
en leur chambre ou incontinant arriverent ladite Margarite
[76]
de Tourneuil, Jehanne Lemee, ledit Derien demanda
[77]
a sadite femme si elle avoit faict [?habiller a soupper?]
[78]
ailleurs que cheix ledit Berthault. A quoy elle respondit
[79]
que non. Aussi, luy demanda ledit Derien la cleff de la
[80]
bouette que lui avoit baillé a luy, respondit ladite
[81]
Katherine la luy avoir baillee le jour precedant ce que
[82]
n'estoit veritable et sur ce dirent ledit Derien
[83]
et sadite femme a ladite Margarite Tourneuil et Jehanne
[84]
Lemee : « Retirez-vous ». Et eulx retirez, demanda
[85]
ledit Derien a sadite femme, pourquoy elle est gouvernoit
[86]
aussi mal et que s'il eust estimé qu'elle fust retournee
[87]
a son premier etat, qu'il ne l'eust jamais reprinse,
[88]
ni recuillye avecq luy. Et lors ledit Derien descendit
[89]
au bas de sadite maison que tenoit a louaige ladite
[90]
Margarite et ou lors elle estoit et sa chambriere,
[91]
a laquelle chambriere ledit Derien fist nouer son
[92]
couvrechef de nuyct pour ce qu'il ne se peult aydé
[93]
que d'une main, remonta ledit Derien en sadite chambre
[94]
et ferma l'huys esperant aller au lict. Toutesfoiz, avant se
[95]
couché, ne deshabillé, demanda derecheffe a ladite Katherine ou estoit
[96]
la cleff de ladite bouette, a quoy elle ne fist aucune response
[97]
et le luy disant qu'il failloit qu'elle luy dist qu'elle en
[98]
avoit faict, print la bouette dicelle Katherine qui estoit pandu
[99]
a sa saincture dedans laquelle il trouva ladite cleff
[100]
dont il ouvroit ladite bouette et lors aperczeut
[101]
que on y avoit prins lesdits quatre vingtz cinq testous,
[102]
demanda a ladite Katherine ou elle avoit mis
[103]
lesdits testous laquelle ne luy respondit aucune
[104]
parrolle dont iceluy Derien fut en grant perplexité
[105]
et melancolie considerant que ledit argent n'estoit
[106]
pas a luy et que de brief luy convenoit le bailler
[107]
et rendu audit Dufresne recepveur surdit. Et tout [?esmu?],
[108]
se alla adreczer a ladite Margarite disant quil
[109]
estoit plus pouvre que jamays et luy demanda
[110]
si elle savoit point qui eust prins et emporté
[111]
ledit argent. Laquelle Margarite respondit <6 verso>
[112]
n'en savoir rien et en faire mesme emocion, se
[113]
adrecza derechef a ladite Katherine luy disant
[114]
telles parolles ou semblables : « Mechante traistresse
[115]
et laronnesse, esse le bon tour que je t'ay faict de te
[116]
avoir recuillie puis ung moys veu les tours que
[117]
tu m'avois faictz auparavant ? Si faut-il que tu me
[118]
[?dies?] presentement qu'est devenu ledit argent ? »
luy donnant
[119]
assez a congnoistre que il estoit fort desplaisant de
[120]
la perte dudit argent. A quoy elle ne fist aucune
[121]
reponse. Quoy voyant ledit Derien luy donna ung
[122]
ou deux soufflects de la main sur le visage
[123]
et tout eschauffe et esmeu, print une
[124]
espee qui estoit en ladite chambre assez pres de luy,
[125]
laquelle il evagina et en la tenant en sa
[126]
main la faisoit bransler et s'aprochant dicelle
[127]
Katherine pour luy donner crainte et [?l'ainvocquer?]
[128]
a luy dire qu'estoit devenu ledit argent, l'actaignit
[129]
de ladite espee un seul coup en l'une de ses jambes
[130]
au dessouz du genoil. Apres lequel coup tomba
[131]
ladite Katherine a terre cryant : « Ayou, ayou ! » Quoy
[132]
voyant ledit Derien desplaisant d'avoir faict ledit
[133]
coup, craignant que sadite femme en fust en danger,
[134]
s'en alla soudain ches maître Allain Lesne, barbier et
[135]
cyrurgien demourant audit Rostrenan, lequel il
[136]
pria venir incontinent en sa chambre penser sa
[137]
femme qu'il avoit blecee, ce que luy accorda
[138]
ledit barbier. Et ainsi que ilz estoint arrivez en
[139]
en[sic] ladite chambre ou estoit ladite Katherine pour la
[140]
devoir penser et habiller et que ledit Lesne visitoit
[141]
ladite playe, aperceut ledit Derien que sadite femme
[142]
avoit perdu grant quantité de son sang ; et
[143]
pour ce que iceluy cyrurgien dist qu'elle estoit
[144]
presque morte, et retira ledit Derien de ladite
[145]
chambre, s'enfuyt et deux ou troys heures apres
[146]
ouyt dire que icelle Katherine estoit deceder.
[147]
Par quoy, craignant rigueur de justice s'est
[148]
abscenté et n'oseroit resider sur les lieux sans
[149]
obtenir de nous noz lettres de grace et remission.
[150]
Nous remonstrans oultre lesdits exposans que
[151]
ledit Derien avoit espousé par mariaige deux autres <7 recto>
[152]
femmes auparavant ladite Katherine de Kergrouel,
[153]
subsecutivement avecques lesquelles il s'est
[154]
bien et honnestement gouverné et ne fut jamais
[155]
actaint ne convaincu d'aucun villain cas disgne
[156]
de reproche que celuy depuis luy avenu de cas de fortuit
[157]
et en chaulde colle. Nous supplians lesdits exposans
[158]
dudit cas impartir audit Guillaume Derien nos lettres
[159]
de grace, remission et, par quoy tres humblement le
[160]
nous requerans, et pourquoy, etc.

Mandart