Rémission pour Hervé Le Jar

Registre B34 Lettre n° 3

22/01/1531 [22/01/1532]

<12 recto>
Remission pour Hervé Le Jar, la verifficacion au
senneschal de Lesneven.
[1]
Francois, etc, a tous presens et a venir, savoir faisons, nous avoir receu
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l'humble supplicacion et requeste des parens et amys consanguins de Hervé
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Le Jar, jeune gentilhomme de l'aige d'environ xxii ans ou environ, Contenant
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comme le vendredy au soir cinqme de ce moys [?vigille?] des roys, ledit
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Le Jar se feust trouvé ou bourge de Doulas en la maison Jehan Gouriou
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en laquelle contient hostellerie, acompaigné de Yvon Pezron,
[7]
cousturier et Guillaume Bleurchant, ledit Pezron portant une
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espee a son costé et ledit Bleurchant ung baston a deux boutz,
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allant et tirant celluy Le Jar chemyn vers la maison et
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manoir de Trecayn, le Sr duquel lieu est marié o Katherine
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Aucuff, mere dudit Le Jar, fisdrent ledit Le Jar et aultres de sa
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compaignie celle nuyt bonne chere. Et comme estoient prestz
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et sur le poinct d'eulx aller couscher et reposer,
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environ unze a doze heures apres avoir faict leur compte
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a l'hostesse et faict sur ledit compte tirer chopine de vin,
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arriverent illecques Olivier Treanna, Pierre Ponfle, Le Bau, Deruand,
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Le Tapardeur et ung serviteur qu'on disoit estre audit Le Baud
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queulx entrerent en la chambre dudit Le Jar lequel
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estant lors en says, leur fist tirer quarte de vin pour
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les festoyer et se assisdrent a une table estant en ladite
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chambre. Et illecques beurent et fisdrent encores
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apporter d'aultre vin tellement qu'ilz se trouverent
[23]
fort emboytez et lors sourdit different et question
[24]
entre lesdits Druand et Pezron a raison que ledit Pezron
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portoit ladite espee a son costé dont ledit Druand
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s'en demonstrant courroucé, blasmoit ledit Pezron.
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Sur quoy ledit Le Jar dist audit Druand telles ou semblables
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parrolles : « Si avez affere a mes gens, vous aurez affere a moy ! »
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et voulut lors desgayner son espee qu'il avoit
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a son costé. Et sur ce ledit Treanna qui estoit vis-a-vis
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de luy, luy dist : « Ne vous soucyez, il n'y aura rien. »
[32]
Et a tant demourerent encores quelque peu a table
[33]
en pacience et peu de temps apres recommancza
[34]
ledit Druand derechef parolles de noayse
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et querelle o ledit Pezron quel Pezron luy dist <12 verso>
[36]
et respondit parrolles de tel effect : « Pourquoy ne
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porteroige baston en la compaignie de mon maistre ?
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Voz parens ont esté avecques moy apprendre mestier
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et n'en ont pas esté pires. »
Sur quoy se courroucza
[40]
ledit Druand et s'esmeut et leva de table et s'adressa
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incontinent ledit Pezron, le souffleta et voulut
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rompre ladite espee qu'il portoit en [?my?] le foureau
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dicelle pour a quoy obvyer, trouva ledit Pezron moien
[44]
de gecter et caicher ladite espee soulz ung lict
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illecques estant et sur ce ledit Druand print ledit
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Pezron par les cheveulx et le traisna par ladite
[47]
chambre. Et a tant, ledit Le Jar desplaisoit les
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injures et exces qu'on faisoit audit Pezron, se
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leva de ladite table et alla vers l'uys de l'entree
[50]
de ladite chambre et desgayna son espee et ledit
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Treanna s'esforcza devoir hoster audit Bleurchant
[52]
ledit baston a deux boulz. Et en ce debat, conflit
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et meislee, s'aprocherent ledit Le Jar ayant sadite
[54]
espee desgaynee de laquelle rua ung coup
[55]
d'estoc et atteignyt, ainsi qu'on dit, ledit Treanna
[56]
au-dessoulz l'oreille du costé dextre duquel
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coup et dedans une heure apres alla ledit Treanna
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de vie a deceix. Si nous remonstrent lesdits supliants
[59]
que ledit Le Jar ne penczoit en aulcun mal lors
[60]
que ledit Treanna et aultres arriverent en sadite
[61]
chambre, allerent il et ses gens eulx reposer
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et mectre en lict et n'avoit auparavant ledit Le Jar
[63]
eu aulcune question, different ne noyse
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avecques ledit Treanna, ains estoient parrens et
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bons amys ; et tousiours ledit Le Jar bien et honnestement
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vescu sans avoir esté accusé ne actainct d'aulcun
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aultre mauvaix cas fors celluy de present pour raison duquel
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fut le lendemain matin dudit jour prins prinsonnier par
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les officiers de la court de Doulas apartenant au segneur de
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Rohan. Nous suppliant qu'il nous plaise a tout ce que <13 recto>
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dessus avoir esgard et actandu la jeunesse dudit Le Jar quel
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dispos pour povoir fere service tant a nous que a la chose
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publicque et que ledit cas doyt plustost estre censé fortuyt que
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malicieux luy octroyer dudit cas noz lettres de grace, remission
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et pardon, a ce convenables, tres humblement, le nous
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requerant. Pourquoy nous, etc.

Darande