Registre B34 Lettre n° 70

16/11/1532

<225 verso>
Remission pour Rollande de La Vallee de meurtre decleré en
ladite remission, adreczee a la court de Rennes, dont la teneur ensuist.
[1]
Francoys, etc, savoir faisons, a tous presents et a venir, nous avoir
[2]
receu l'humble suplicacion et requeste de notre pouvre subgecte
[3]
Rollande de La Vallee, Contenant que le lundy de caresme prenant dernier,
[4]
il se fust trouvé noayse et debat entre ladite supliante et Guillaume Aubry
[5]
lequel estoit maryé avec Francoise Chalemel, fille de ladite Rollande,
[6]
et lesquelz assemblement demouroint en mesme maison tenant
[7]
taverne de vin en vante estans en consocieté* de [?communautés?] de biens ;
[8]
lesquelz Aubry et supliante estoint eschauffez de vin par trop en
[9]
avoir beu, s'entre injurierent et profererent l'un a l'autre plusieurs
[10]
parolles d'injure que debat et noayse fut entreux departy par ung frere
[11]
dudit Aubry et ladite Francoyse et autres la estans, et fut celluy
[12]
Guillaume mené couché en son lict en ladite maison en laquelle
[13]
ilz demouroit pour ce que lors estoit tard et sus le soir. Laquelle
[14]
supliante esmeue et eschausfee oudit conflict et depuis, jura et
[15]
blaphema le nom de dieu en diverses manieres. Et sur ce que
[16]
apres tout ce, ladite Francoise voulut remonstré a sadite mere
[17]
son default luy disant entre aultres choses qu'elle estoit une vielle
[18]
femme, luy dist ladite supliante estante toute esmeue parolles de tel
[19]
esfect : « Me dis riens avant que je [?dorme?] ! il en y aura qui
[20]
auroint malencontre*. »
Et lors, luy reitira ladite Francoise
[21]
les parolles que devant la cuydant appaiser et s'entre dirent par
[22]
reiteres foiz telles ou semblables parolles que dessus. Et quelque
[23]
petite espace de temps apres, celle supliante come toute troublee
[24]
du malin esprit se leva disant telles parolles : « Je vouldraye estre morte.
[25]
Il fault qu'il y ayt malencontre* ! »
Et print sur la table ung petit
[26]
cousteau poinctu se tirant vers la chambre ou estoit ledit Guillaume
[27]
son gendre couché et endormy en son lict s'esforczant en icelle
[28]
entree. Et pour l'en empescher, fut prinse et saesye au corps
[29]
par le frere de sondit gendre et ladite Francoise ou bien par l'un d'eulx.
[30]
Et sur tant, celle supliante commencza derechef jurer et blafemer
[31]
le nom de dieu disante : « Si tu ne me laisse, je te tueray ! » ayant
[32]
ledit cousteault nud en l'une de ses mains. Et lors la laissa
[33]
le frere de sondit gendre craignant come est vroysemblable estre
[34]
par elle dudit cousteau frapper et fut tousiours tenue par ladite
[35]
Francoise sa fille l'ampeschant d'antrer en ladite chambre ou
[36]
estoit ledit Guillaume cousché et endormy. Et sur tant frappa
[37]
et donna celle supliante dudit petit cousteau ung coup au
[38]
ventre de sadite fille pres le nombril quelle s'escrya : « Ma mere,
[39]
vous m'avez tuee ! »
Laquelle Francoise bien tost apres [??]
[40]
envyron cinq ou six jours apres avoir esté confessee alla
[41]
de vie a deceix. Laquelle supliante et sondit gendre ont encore <222 recto>
[42]
demouré depuis longuement ensemblement sans avoir departy
[43]
leursdits biens ne faict fin en leursdites societé*. Et se sont
[44]
ensemble reconsiliez, sauff a passer des interestz de sondit gendre.
[45]
Et n'avoir jamais ladite supliante estee accusee d'avoir faict
[46]
aucun vilain cas digne de reprehencion jucques au cas de present
[47]
qui ains s'est tousiours honnestement vescue entre gens de bien,
[48]
elle qui est de le age de soixante ans ou envyron. Et
[49]
craignant estre aprehendee de justice, s'est par aucun temps
[50]
rendue fugitifve et a estee adjournee sur ledit cas en deffailly.
[51]
Et depuis faisant notredit tré cher et tré amé filz le dauphin
[52]
deviennoys et duc proprietaire de cedit pays, son entree
[53]
et couronnement en ceste notre ville de Rennes, ladite supliante
[54]
s'est mise et rendue es prisons de notre court dudit Rennes
[55]
desquelles elle a esté mise hors et temps luy baillé qui
[56]
dure pour de nous obtenir lettres de grace et remission.
[57]
Nous supliant, tré humblement icelles luy impartir et octroyer,
[58]
pourquoy, etc.

Pelerin