Registre B34 Lettre n° 78

13/12/1532

<247 recto>
Remission pour Thebaud Jamyn de la
parroisse du Tail, la verifficacion aux juges
de Rennes.
[1]
Francois, etc, a tous presens et a venir, savoir faisons nous
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avoir receu l'humble supplicacion et requeste de
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notre pouvre subgect Thebaud Jamyn de la parroisse
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du Tail, Contenant que le jour et feste saint Lorens
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en l'an mil cinq cens trante ung, allapresmedy
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dicelluy jour, il se trouva en la compaignie
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d'un nomé Emery Mannoir quelz ensemblement
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allerent boyre en la maison d'une nommee
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Andree de Montallembert lors tenant vin
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en vente audit lieu du Tail sur espoir de <247 verso>
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composer de la faulche que avoit fecte ledit suppliant
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pour ledit Mannoir a la methairie du Boullay
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ou estoit ledit Mannoir, mestayer. Et comme
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ainsi estant a boire en une chambre en laquelle
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estoient aussi a boire en une autre table
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Jehan Morel, greffier de la court du Tail,
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Jacques Bourgonniere, Jacques Viel, Jehan
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Corde et plusieurs autres, survint en ladite chambre,
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ung nommé Bertran Mannoir ayant une arbalestre
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bandee et ung matraz dessus lequel a son
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arrivee adreczant ses parrolles a ung nomé
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Jehan Denise dist par telles parolles : « L'on m'a
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dit que tu te plains d'avoir perdu une
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tasse d'estain ! Il fault scavoir la verité. »

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Et en disant celles parrolles ou equivallentes,
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frappa ledit ledit[sic] Bertran deux ou troys coups
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sur les joues dudit Denise. Quoy voyant ledit
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Denise s'enfuyt et yssit hors ladite
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chambre. Et incontinent se leverent
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de la table ou estoint a boire lesdits Emery
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Mannoir qui est frere germain dudit Bertran
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et ledit suppliant ayant ung petit maillot* en
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sa main de la grosseur d'environ deux poings.
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Et comme ledit suppliant sortoit de ladite chambre
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en une gallerie estante aupres dicelle,
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se y rendit ledit Jacques Viel lequel dist
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audit suppliant par telles ou semblables parrolles :« Où va
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ce fol ycy ? Es-tu fol ? Que veulx-tu fere de ce maillot ?
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Si tu en frappoys ung home, tu le tueroys ! »

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A quoy ledit suppliant respondit qu'il
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ne luy en povoit challoir et que ledit jour il s'en
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eust peu s'irriter. Et sur celles parrolles, y eut
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entreulx grant noaise taschans chacun d'eulx <248 recto>
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a s'entre frapper. Et en icelluy conflict frappa
[45]
ledit suppliant audit Viel ung coup dudit Maillot
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en la teste et sur tant furent departiz. Et apres
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estre departiz, sur ce que les assistans les reprenoint
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d'avoir eu debat, respondit ledit suppliant qu'il
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avoit frappé ung bon coup dudit maillot
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audit Viel et qu'il luy avoit bien maloché
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la teste. Et ce faict, se descendit ledit Viel
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lequel compta et paya la despense par luy
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fecte a ladite Andree et apres se couscha
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celluy Viel qui estoit eschauffé de vin
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et se endormit sur une mest estant
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en une allee du bas de ladite maison. Et au
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resveil, se trouva ledit Vieil fort mallade
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et dedans vingt quatre heures apres
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alla celluy Viel de vie a trespas. A raison de quoy
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par les officiers de la court de Rougé au siege
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du Tail a esté ledit suppliant accusé d'avoir esté
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cause de la mort dudit Viel et pour ledit cas s'est
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tousiours rendu fugitif craignant rigueur
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de justice. Et estre ledit suppliant pouvre home
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ne possedant que peu de biens et n'ayant
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de quoy vivre, si non de ce qu'il peult gaigner
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a ses journees et s'estre tousiours en aultres ses afferes
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bien gouverné sans jamais avoir esté reprins
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de justice. Et auparavant ledit cas advenu
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ny avoit eu entre luy et ledit Viel querelle,
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debat ne inymitié. Et depuix faisant
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notredit filz le dauphin son entree en ceste
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notre ville de Rennes, s'estre ledit suppliant
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rendu prinsonnier es prinsons dudit Rennes <248 verso>
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desquelz il a esté mis hors et temps luy baillé
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pour de nous obtenir lettres de grace et
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remission dudit cas. Et a ceste cause, nous
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a tres humblement supplyé et requis icelles
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luy impartir et conceder, pour quoy
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nous, etc.

Pelerin