20/03/1531 [20/03/1532]
<62 recto>
Placet de
presenter certaines lettres de grace
impetrees en
France, devant les
juges de
Nantes ou elles soy dirigent
pour Jacques Couldray dont la
teneur
ensuilt.
<62 verso>
[1] Francois, par la grace de dieu, roy de France, pere
[2] legitime
administrateur et usuffructuaire des biens de
[3] notre tres cher
et tres amé filz le dauphin, duc
et Sr
[4] proprietaire des pays
et duché de
Bretaigne,
savoir faisons,
[5] a tous presens
et a venir, nous avoir receu l'
humble supplicacion
[6] de Jacques Couldray, natif du bourg
et villaige de
[7] Notre Dame de Clery, aigé de vingt six ans ou
environ
[8] chargé de
femme et enfans, Contenant que le xvme
[9] jour de
septembre derroin passé,
ledit suppliant qui est
[10] demourant
et marié en la ville de Nantes, s'en
[11] allerent ensemble luy
et ung
nomé Estienne a
present
[12] deffunct et duquel
ledit suppliant autrement ne
[13] scet, le
[?sourvoin?] en la maison de Macé Boyvin
auquel
[14] lieu se trouverent Pierres Jacob, Mathurin Censier,
[15] marchans,
et la
femme dudit Boyvin. Et eulx arrivez en
[16] ladite maison, envoyerent querir du vin
et beurent
[17] ensemble gracieusement
et sans mal penser et
[18] en bevant
et faisant bonne
chere,
ledit suppliant tira
[19] ledit Boyvin a
parrt pour luy demander de l'argent
[20] a empruncter pour poyer ung
nomé Langloys,
[21] chaussestier, auquel
ledit suppliant devoit troys
[22] escuz pour une paire de chausses
et dont il estoit
[23] obligé envers luy en court d'
eglise soubz
[??] que
[24] ledit Langloys avoit ja levé
et faict
executoire ledit
[25] suppliant pour
ladite somme. Auquel
suppliant ledit Boyvin
[26] fist response qu'il n'avoit argent a
present pour luy
prester
[27] et que s'il en avoit voluntiers
et de bon
[?cueur?] luy en
[28] presteroit. Et ce faict,
ledit Boyvin descendit de sa chambre
[29] ets'en alla. Et
ledit suppliant demoura en la
chambre
[30] avecques ledit Estienne
et autres dessus nommez,
marchans,
[31] et craignant par
ledit suppliant qu'il ne demoura
executoir
[32] pria
lesdits Jacob
et Censier,
marchans, que l'un d'eulx
<63 recto>
[33] luy prestassent deux escuz pour poyer
ledit Langloys et
[34] qu'il leur bailleroit ung bon harnoys d'escailles, faict
[35] en forme de brigandines garny de
[?cacetes?] et s'il failloit
[36] dedans quinze jours leur poyé
lesdits deux escuz, il
[37] donnoit
ledit harnoys. Lors ledit Estienne
commencza
[38] a dire
ausdits Jacob
et Censier,
marchans, que c'estoit le
[39] meilleur harnoys qu'ilz veissent jamais
et que si
ledit
[40] harnoys estoit a luy, ne le donneroit pour dix escuz
[41] taschant par
ledit Estienne qui estoit grant amy
et familier
[42] dudit suppliant de luy
fere prester argent pour soy
[43] acquicter envers
ledit Langloys. Disant par
ledit supliant
[44] audit Estienne :
« Mon frere, je vous poye ! Allez-vous en
[45] en mon logeix et dictes a ma feme qu'elle vous baille le
[46] harnoys que Francoys Futran m'a donné. » Ce que fist
ledit Estienne.
[47] Touteffoiz, n'apporta lors
ledit harnoys
et dist
audit suppliant
[48] que sa belle-mère ne luy avoit voulu bailler pour ce que
[49] elle avoit esté trompee autresfoix d'une chemyse qu'elle
[50] avoit baillee a faulses enseignes en son nom. Lors
ledit
[51] supliant dist a la mepre
dudit Boyvin :
« Vela mon bonnet !
[52] va querir ledit harnoys a ces enseignes. » A quoy ledit
[53] Estienne dist
audit suppliant :
« Je iroy moy mesmes encores
[54] une foiz, elle ne le scauroit apporter. » Et deffaict y
[55] retourna
et porta
ledit bonnet
pour enseigne et
[56] apporta
ledit harnoys au logeix
dudit Boyvin disant :
[57] « Voicy le harnoys et vous promectz et assure qu'il est
[58] fort bon. » Et apres avoir veu par
lesdits Jacob et
[59] Censier, marchans,
ledit harnoys, commencza a dire ledit
[60] Jacob
audit supliant qu'il avoit chargé ses challans
et qu'il
[61] estoit mal garny d'argent pour l'heure et
ledit Censier
[62] commencza a dire que l'en ne scauroit
congnoistre
[63] ledit harnoys si l'on ne le veoyt sur quelqu'un. Lors
[64] ledit suppliant commencza a se voulloir despouiller son saye
[65] pour le vestir et essayees, mais
ledit Estienne qui estoit
[66] la tout en pourpoint, print
ledit harnoys et le
<63 verso>
[67] vestu
et apres l'avoir vestu, commencza a dire que c'estoit ung
[68] des bons harnoys
et ung des
[?bien?] faictz que l'en scauroit veoir et
[69] qu'il l'avoit esprouvé. A quoy fut respondu par l'un
desdits marchans
[70] illecques estans que une arbalestre le perceroit bien et
[71] l'autre
pareillement dist que une espee le pourroit bien
percer.
[72] Lors ledit Estienne dist qu'ilz ne le perceroint point
et qu'il
habandonnoit
[73] son corps
et les pardonnoit si on luy faisoit mal, mectant
[74] ses deux mains a ses flans
et disans
audit suppliant :
« Poucez, poucez
[75] hardiment et vous verrez si elle y entrera et si elle y fera
[76] mal, car je vous pardonne si elle y entre. » Et en ce disant
[77] ledit suppliant qui estoit grant amy
et familier dudit
[78] Estienne qui jamais n'avoit eu noyse ne debat
[79] avecques luy, se tira pres d'un lict ou il trouva deux
[80] espees dont il en print une, la tira hors du fourreau
[81] et dicelle non ayant intencion de luy mal faire, ains de
[82] essayer seullement
ledit harnoys, rua ung coup d'estoc
[83] contre
ledit Estienne estant
comme dit est armé dudit
[84] harnoys d'escaille. Duquel coup fut ledit harnoys
[85] percé
et entra
ladite espee dedans le ventre
dudit Estienne
[86] lequel commencza a dire :
« Je suis bleczé. » Lors ledit
suppliant
[87] marry
et dolent dudit cas, sortit hors
ladite chambre et
[88] a l'occasion
dudit coup, par faulte de bon appareil,
gouvernement
[89] ou
aultrement tantost apres seroit allé de vie a trespas. Et combien qu'il
[90] n'y ayt eu aulcune chose precogitee
et que
ledit suppliant fut
[91] et soit grandement marry et desplaisant
dudit cas, ainsi advenu par
inconvenient,
[92] touteffoiz, doubtant rigueur de justice se seroit absenté
[93] du pays auquel ne ailleurs en
notre royaulme ne seroit
bonnement
[94] retourner ne converser, si noz grace
et misericorde ne luy estoint
[95] sur ce impartiz. Nous
humblement requerant,
ledit suppliant que
[96] en tous autres cas, il est bien famé
et renommé sans jamays
[97] avoir esté actainct ne
convaincu d'aulcun autre villain cas, blasme
[98] ou
reproche fors
et excepté que durant son jeune aige il auroit
[99] eu
plusieurs noyses
et debaz avecques autres compaignons dont
[100] touteffoiz ne s'en seroit ensuyvy aulcun homicide
et auroit a tous
[101] satisfaict, il nous plaise luy
impartir sur ce noz
lettres de
[102] grace
et misericorde. Pourquoy nous ces choses
considerees
[103] voullans misericorde preferer a rigueur de justice
audit
<64 recto>
[104] suppliant ou cas
dessusdit, a nous quicté, remis
et pardonné,
et par
[105] la teneur de ces
presentes de
notre grace
especiale plaine
puissance
[106] et auctorité royal, quictons, remectons
et pardonnons le fait
[107] et cas
dessusdit avecques toute peine, offense
et amende
[108] corporelle, criminelle
etciville. En quoy par
occasion dudit
[109] cas, il pourroit estre encouru envers nous
et justice
[110] en mectant au neant tous appeaulx, ban, bannissemens,
[111] proces,
procedeures, sentences
et deffaulx, et generallement
[112] tout ce que pour raison dudit cas s'en pourroit estre
[113] contre luy ensuyvy et de
notre plus ample grace, l'avons
[114] mis
et restitué, remectons
et restituons ses
bonnes fame
[115] et renommee au pays
et a ses biens non
confisquez, satisfacion
[116] fecte, a
partir civillement tant seullement si faicte dicst.
[117] Et quant a ce avons imposé
et imposons silence perpetuel
[118] a
notre procureur present et a venir et a tous autres si donnons
[119] en
mandement par ses mesmes
presentes aux seneschal et
[120] alloué de Nantes ou les
lieutenants en la juridicion desquelz ledit
[121] cas est advenu et a tous noz autres justiciers
et osficiers
[122] ou a leurs
lieutenants presens et a venir
et a
chacun d'eulx si
comme
[123] a luy appartiendra que de noz
presentes grace,
quictance,
remission
[124] et pardon, ilz facent, souffrent et laissent
ledit suppliant
[125] joyr
et user plainement
et paisiblement sans pour
[126] raison
dudit cas ainsi advenu que dit est luy faire mectre
[127] ou donner et sousfrir, estre faict, mis ou donné
[128] ores ne pour le temps a venir, aulcun arrest, destorbier
[129] ou
empeschement en corps ne en biens en aulcune maniere
[130] lequel si faict mis ou donné luy avoit esté ou estoit
[131] l'osteur
et mectent ou facent hoster
et mectre
incontinent
[132] et sans delay a plaine delivrance
et au premier estat.
Et de ce
[133] et affin que ce soit chose ferme
et estable a
tousiours,
[134] nous avons faict mectre
notre seel a
cesdites presentes sauf
[135] en aultres choses notre droict
et l'autruy en toutes. Donné
[136] a
[??] ou moys d'octobre l'an de grace mil vcxxxi
[137] et de
notre regne le dix septieme ; et sur le reply, visa,
[138] signé : par le roy, a la relacion du conseil, Barillon ;
[139] et au bas : contentor, Barrillon ;
et saellé de cire vert en
[140] cordon de soye rouge
et vert.
Morice