Registre B34 Lettre n° 32

12/06/1532

<126 recto>
Remission pour Jehan Bonairye, la
verificacion au seneschal de Rennes.
[1]
Francois, etc, a tous presens et advenir, savoir faisons, nous
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avoir receu l'humble supplicacion et requeste des parents
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et amys consanguins de Jehan Bonairye le jeune, a present
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prisonnier detenu es prisons de Dol, Contenant que le dimanche
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vingt cinqiesme jour de febvrier derroin ledit Bonairye,
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ung nommé Gicquel et ung autre nommé Herbert
[7]
Deslandes se trouverent celuy jour envyron huit heures
[8]
apres mydi en la maison de Eustache Trotel et de Guillemette
[9]
Dutertre sa femme qui exposoint vin en vente, en laquelle
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lesdits dessus nommez se misdrent assemblement a boyre.
[11]
Et come ilz estoint illecq en ung cabaret ainsi a boire
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et diviser ensemble, arriverent Allain Greflepoix, Olivier
[13]
Deserent et ung autre nommé Jehan duquel ne sceive
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le surnom, qui usoit de mestier de charpenterie. Et
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eulx arrivez, celuy Charpentier adrecza ses parolles
[16]
a Pierre Lefranc lui disant par telles parolles ou semblables :
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« Je t'ay baillé treze deniers pour fere venir pinte
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de vin ; baille-les a l'hotesse. »
Auquel celuy Lefranc
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respondit que non feroit et qu'il ne luy avoyt rien
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baillé. Et sur ce, se trouva noyse entreulx tellement
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que celuy Charpentier s'efforcza de voulloir batre et
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outraiger celuy Lefranc, et pour ce debvoir fere tira
[23]
ung compas de fer servant a son mestier de charpenterie
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lequel il portoit lors en son seing pour en debvoir
[25]
outraiger celluy Lefranc. Quoy voyant, lesdits dessur
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nommez illec estans, entre autres ledit Bonairye le jeune,
[27]
craignant que ce fust ung cousteau et que dicelluy il eust
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outraigé celluy Lefranc, ledit Bonairye luy osta ledit compas
[29]
lequel celuy Bonairye rompit en deux pieczes : et sur ce
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furent iceulx Bonairye et Charpentier departis. Et s'en allerent
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lesdits Deserent, son varletz, lesdits Greflepoix et ung nommé
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Legoux. Et après eulx, demourerent lesdits Charpentier,
[33]
Bonairye, Gicquel et Herbert demandans pinte de vin
[34]
pour boyre et que ledit Eustache Trotel ne voulut plus
[35]
leur bailler, disant qu'il estoit trop tard et envyron unze
[36]
heures de nuyct ; et sur tant les mist hors de sa
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maison et ferma son huys. Et iceulx Charpentier, Bonayrit,
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Gicquel et Herbert estans hors dicelle maison, s'en allerent
[39]
tirans leur chemyn vers une des portes de ville de
[40]
Dol nommee la porte Dabas. Et comme ilz furent [?entre droit?]
[41]
de l'eglise monseigneur Saint Sanson, ledit Charpentier dist
[42]
audit Bonayrie par telles parolles : « T'en voys-tu Bonairye ? » <126 verso>
[43]
Auquel celuy Bonairye respondit : « Ouy ! » s'entredisant : « Adieu ! »
[44]
et prenans congié l'un de l'autre. Et en ce disant, ledit
[45]
Bonairye qui chemynoit droict a son logeix et maison,
[46]
ne penczant en aucun mal, fut par ledit Charpentier
[47]
donné audit Bonairye de ses deux poingts en l'estoumac,
[48]
si grant coup qu'il rua et gecta ledit Bonairye
[49]
sur le pavé. Et come il se cuidoit relever, le print ledit
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Charpentier a la gorge, luy disant qu'il le tueroit. Quoy
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voyant, ledit Bonairye et que celluy Charpentier quel estoit
[52]
beaucoup plus fort et puissant que luy et qu'il le
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tenoit a son advantaige, craignant celuy Bonairye
[54]
qu'il l'eust tué, tira celluy Bonairye ung cousteau
[55]
qu'il avoit de coustume porter et dicelluy donna
[56]
au corps dicelluy Jehan Charpentier. A l'occasion de quoy,
[57]
fut icelluy Charpentier le lendemain trouvé mort sur
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le pavé en ladite ville de Dol. Et sur ledit cas, a esté ledit
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Bonairye a instance du procureur dicelle court constitué prinsonnier
[60]
es prisons dicelle court esquelles est detenu en grant
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calamité et misere. Et craignent lesdits suplians
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que les officiers de ladite court pour raison dudit cas veillent
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vers luy proceder a rigueur de justice. Nous remonstrent
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outre lesdits suplians que auparavant ledit cas advenu, icelluy
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Bonairye estoit home doux et paisible, sans jamais avoir
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esté actaint ne vaincu d'aucun autre cas digne
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de reproche, chargé de femme et enffans ; et ledit Charpentier
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estoit home vaccabond, esorillé*. Et a ceste cause, nous
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ont supplié et requis a ce avoir esgard et dudit cas
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impartir audit Bonairye noz lettres de grace, remission
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et pardon, tres humblement le nous requerant. Pour quoy
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nous, etc.

Morice