26/08/1531
<150 verso>
Mandement dirigé aux sennechal et alloué
de Ploermel pour Jehan de
Saint Malo, quant
affin de
proceder aux
prochains plectz
dudit Ploermel
a l'
anterinance des
lettres de grace
dudit supliant
obtenues
par lettre de la Royne en la ville de
Melun,
desquelles lettres de grace la teneur
ensuist,
etc.
[1] Eleonor,
par la grace de dieu, royne de France,
savoir faisons
[2] a touz
presents et advenir, comme en ensuyvant les droitz,
arrectez
[3] prerogatives et
preheminences dont noz
predecesseresses roynes ont de tout
[4] temps
et d'ancienneté acoustumé jouyr et user, nous apartienne a
[5] notre joyeusse et nouvelle antree en
chacune des citez, villes, chasteau,
[6] places et
juridictions de ce royaulme et aultres pays,
terres et
seigneuries
[7] du roy,
notre tres cher
Sr et espoux, pere et
legitime administrateur
[8] et usufructuaire des biens de
notre tres cher et tres amé filz le
[9] dauphin, duc proprietaire des pays et duché de Bretaigne,
fere
[10] mectre hors des prisons dicelle villes, citez et autres lieux
[11] les prisonniers qui yront lors trouvez detenuz et leurs remectre,
[12] quicter et
pardonner si s'est
notre plaisir les cas
par eux
commis.
[13] Et soit ainsi
que a
notre premiere joyeuse et nouvelle antree
[14] que avons
fecte en la ville de Melun ayt esté treuvé
prinsonnier
[15] es prisons de
ladite ville, Jehan de
Saint Malon, escuyer, de la
paroisse
[16] de Gaell, diocese de
Saint Malo en Bretaigne, en la
juridiction
[17] de Ploermel, et aigé de
quarante huit ans ou envyron pour
[18] le cas cy-apres
decleré. C'est assavoir
que ung jour de feste
Notre
[19] Dame ou moys de juillet l'an mil vc et vingt, autrement le jour
[20] n'est recordz, iceluy de
Saint Malon,
supliant, soy
partit de sa maison de
[21] bon matin et s'en alla a la messe
audit lieu de Gaell et icelle
[22] ouye avec ung
nommé Jehan Bino, notaire, ung autre
nommé Jehan
[23] Agan et certains autres alla desjuner a la maison d'un nommé Bertra
[24] de
Saint Jehan pour lors tenant hostelerie
audit lieu de Gaell
[25] et tant en icelle taverne
que autres
dudit lieu tant au bourg
<151 recto>
[26] du jour bancqueta et beut
ledit supliant tant pour raison de certain
compromis
[27] que audit jour estoit assigné
par devant luy et ung
nommé Jehan de Maynarc, son
[28] conseiller
audit compromis entre
quelques parties pledoyantes,
que aussi pour
[29] festoyer aulcuns ses amys illec estans
que de longtemps n'avoit
[30] veu qu'il soy trouva surprins de vin et hors de son
entendement.
[31] Et envyron heure de vespre ou peu apres
ledit supliant soy volut
[32] retirer en sa maison. Et en s'en allant, trouva entre la maison
[33] dudit Bertran de
Saint Jehan et la maison de
Guillaume Estelin, la femme
[34] dudit Estellin, a laquelle il
demanda si
ledit Estellin, son mary, vouloit
[35] aspoincter
avecques luy touchant certain
proces qu'ilz avoint
ensemble,
[36] luy disant qu'il vouloit qu'elle en fust le juge. En quoy
[37] faisant, survint illec ung
nommé Roberd de La Lande
autrement
[38] Houssaye, lequel apres
avoir ouy le
propos susdit, dist
audit supliant
[39] qu'il vouloit
fere l'
apoinctement de luy et
dudit Estelin. Et pour ce
[40] fere, en actendant
ledit Estelin,
lesdits supliant et de la Lande allerent
[41] boyre pinte en la maison d'un
nommé Yvon David, hostelier
[42] dudit lieu, en la maison duquel entrerent
par le derrier et
devant
[43] le porche de
ladite maison, demanderent a boyre pinte de vin
[44] que leurs fut apportee, combien
que ledit supliant n'en eust necessité,
[45] ains
comme dit est, estoit fort surprins de vin et troublé de
[46] son entendement. Et illec estans et beuvans
ladite pinte de
[47] vin, survit a eulx ung
nommé Maitre Loys Graslan, ung autre
[48] nommé Jehan Du Banrint, lesquelz arrivez,
ledit supliant
[49] dist
audit Maitre Loys qu'il luy vouloit
donner d'une pinte de vin.
[50] Et derecheff, fist venir ung autre pinte et apres
avoir
[51] bien beu l'hotesse demanda
poyement de son vin, a laquelle
ledit
[52] supliant fist response
que ledit de La Lande pouyroit la
premiere pinte
[53] venue et qu'il payeroit l'autre, ensemble une autre qu'il
[54] feroit venir. A quoy
ledit de La Lande
contredit disant en soy
[55] soubzriant qu'il aymeroit myeulx payer de celuy qui estoit
[56] a avenir
que ladite premiere pinte et
que ledit supliant la payeroit
[57] s'il vouloit puysqu'il l'avoit faict venir. Au moyen de quoy
[58] se meust debat et
discention entreulx et eurent grosses
[59] parolles ensemble dont n'est records
ledit supliant. Et outre
[60] ce,
ledit de La Lande se mocquant et truffant
dudit supliant
[61] se prinst a chanter dont
ledit supliant fut mary.
Par quoy esmeu
[62] de challeur et de vin se leva du lieu ou il estoit assys et print
[63] ung voyre
presque plain de vin, lequel il gecta au visaige
[64] dudit de La Lande et avec ce jour troublé et transporté
[65] de son
entendement tant pour raison d'
avoir trop beu que
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[66] aussi pour les
parolles qu'ilz avoint eu ensemble, desgaina ung
[67] poignart
autrement appellé courtedague de laquelle il frappa
[68] ledit de La Lande
par l'estomac pres la mamelle, puis se retira
[69] ung petit et iceluy de La Lande luy dist qu'il estoit arresté
par la
[70] court de Ploermel comme souveraine et qu'il le luy faisoit seavoir.
[71] Par quoy
ledit supliant s'avancza et derecheff frappa
ledit de La Lande
[72] ung autre coup
dudit poignard pres l'autre mamelle au moyen
[73] desquels coups le soir mesmes,
ledit de La Lande apres avoir esté
[74] confessé
par faute de bon appareil ou
autrement seroit allé de vie
[75] a trespas. Pour
occasion duquel cas,
ledit supliant craignant rigueur
[76] de justice se seroit absenté du pays
pour longue espace de temps en
[77] dependant
journellement se petit de bien
que povoit
avoir et voyant
[78] qu'il ne povoit
bonnement vivre ne gagner sa vie actendu qu'il
[79] n'osoit converser sur son lieu auquel avoit de coustume de
[80] gagner sa vie
honnestement tant a advocasser en
plusieurs
[81] cours pour
plusieurs parties que autrement, se seroit mis et
[82] retiré en la compaignye d'aulcunes gens ayant
[?buit?]de
[83] fere et fabriquer faulse monnoye lesqueulx scauroit
[84] nommer et iceulx a
frequentez pour quelque temps tant
audit
[85] pays de Bretaigne
que ailleurs en mectant et employant
[86] de
ladite monnoye combien
que par luy n'en fust jamays fabriqué
[87] ne usé. Et
bonnement n'ozeroit retorner, converser ne demeurer
[88] ledit supliant ne ailleurs de
cedit royaulme si noz grace,
[89] pardon et misericorde ne luy estant sur ce impartiz et qu'il
[90] nous a faict dire et remonstrer
humblement requerant que
[91] actendu ce que dit est et
que en tous autres cas il s'est tousiours
[92] bien et
[??] gouverné, sans jamais avoir esté actaint ne
[93] convaincu d'aucun villain cas, blasme ou
reproche digne de
[94] reprehension, nous luy veillons
impartir nosdites grace,
pardon et
[95] misericorde. Pourquoy nous,
etc. Ainsi signé sur le reply
[96] par la royne, Moysant visa et sellé a double queue de
[97] cire rouge,
ladite grace
donné ou moys de
decembre l'an
[98] de grace mil vc trante.
Pelerin