Registre B34 Lettre n° 72

27/11/1532

<232 verso>
Remission pour Antoine Chesnel, Sr
de La Chapronaye, la verificacion aux juges
de Rennes.
[1]
Francois, etc, a tous presens et avenir, savoir faisons nous avoir
[2]
receu l'humble supplicacion et requeste de notre subgect
[3]
Anthoine Chesnel, Sr de La Chappronnaye, pouvre jeune
[4]
gentilhome chargé de femme et enfans, Contenant que
[5]
environ cararesme prenant derroin, ledit suppliant et Roberde
[6]
de Cacé, sa mere, avoient invité Francois Guyton et
[7]
sa compaigne, Sr et dame du Premorel, le Sr de La Champgreault,
[8]
ung sien filz appellé le Sr de Launay [?Pinel?] et
[9]
leurs compaignes, et plusieurs autres gentilzhomes
[10]
et damoiselles pour les festoyer au lieu et maison
[11]
de La Chappronnaye, auquel lieu se seroient trouvez
[12]
les dessurdits. Et apres y avoir disné et faict bonne chere,
[13]
lesdits Sr et dame de Premorel auroint comme ledit
[14]
suppliant, sadite mere et Perrine de Beaumanoir,
[15]
sa compaigne a disner lendemain qu'estoit
[16]
jour de lundy audit lieu du Premorel qui est situé
[17]
assez pres de ladite maison de La Chappronnaye.
[18]
Auquel lieu, celluy jour de lundy, lesdits mere
[19]
et compaigne dudit suppliant se trouverent et
[20]
pour tant que ledit suppliant avoit quelques
[21]
afferes au bourg de Pleder, ne se trouva audit
[22]
disner mais arriva audit lieu du Premorel <233 recto>
[23]
quelque peu de temps apres disner, et en sa
[24]
compaignie estoint ledit Sr de Launay Pinel et
[25]
Guillaume de Manny, cousin germain dudit suppliant.
[26]
Et eulx y arrivez leur fut servy vins et viandes
[27]
et firent bonne chere jucques a environ le soir dudit
[28]
jour que ledit suppliant, sa femme et sadite mere et autres
[29]
dessus nomez voulurent se retirer et aller chacun a sa
[30]
maison. De quoy lesdits Sr et dame du Premorel
[31]
empescherent lesdits suppliant et de Manny, leur disant
[32]
que puix qu'ilz n'avoint disné audit lieu quelz y
[33]
soupperoint dont lesdits suppliants et de Manny se
[34]
excuserent par plusieurs foiz. Toutesfoiz a la
[35]
priere desdits Sr et dame du Premorel et de Julien
[36]
Guyton, frere germain dudit Sr du Premorel, lesdits suppliant
[37]
de Manny et ung autre gentilhome, nommé Guillaume
[38]
Hamon demourant audit lieu du Premorel pour y
[39]
soupper. Et apres s'estre les mere et femme dudit supliant
[40]
et autres de leur compaignie sortiz pour soy en aller,
[41]
retourna la femme dudit suppliant esperant l'emmener
[42]
avecques elle, ce qu'elle ne peult fere. Et deffaict,
[43]
souppa ledit suppliant en ladite maison, et apres avoir
[44]
souppé, lesdits Sr et dame du Premorel et ledit supliant
[45]
se myrent a deviser propos joyeux, eulx estans
[46]
en la cheminee de la salle dudit lieu en laquelle
[47]
pareillement estoit ledit de Manny qui celluy
[48]
jour avoit fors beu, auquel celluy Francois
[49]
Guyton demanda quelle myne et contenance il
[50]
faisoit. A quoy ledit de Manny respondit qu'il
[51]
ne faisoit mauvayse myne ny contenance disant
[52]
qu'il avoit une espee a son commandement. Et
[53]
sur tant, sortit de ladite salle ledit de Manny et
[54]
evagina sadite espee disant audit Francois Guiton
[55]
qu'il eust sorty, luy donnant menaces de luy
[56]
fere oultraige et le tuer. Et apres ledit de Manny,
[57]
ledit Julien Guyton s'en sortit en ladite court
[58]
sans baston ny espee disant audit de Manny <233 verso>
[59]
qu'il ne failloit avoir debat. A quoy celluy de Manny
[60]
repondit qu'il n'en vouloit point audit Julien mais
[61]
qu'il tueroit son frere Francois Guyton. Et lors, ledit suppliant sortit
[62]
pareillement en icelle court et ledit Hamon en
[63]
sa compaignie ayans leurs espees a leurs costez
[64]
sans icelles avoir evaginees, penser empescher
[65]
ledit de Manny de oultraiger personne. Et trouverent
[66]
ledit de Manny ayant encores sadite espee nue
[67]
qui dist audit Julien Guyton : « Par la chair dieu ! Puis
[68]
qu'il en voulloit qu'il en auroit »
. Et sans autre
[69]
propos, en disant lesdites parrolles, donna celluy de
[70]
Manny de sadite espee ung grant coup sur
[71]
la teste dudit Julien Guyton. Quoy voyant ledit supliant
[72]
osta et print l'espee dudit de Manny sans touteffoiz que
[73]
ledit suppliant estimast que a l'ocasion dudit coup, ledit
[74]
Julien fust en dangier de mort pour ce que celluy Julien
[75]
ne se plaignoit dudit coup. Et rentra ledit suppliant en
[76]
ladite salle ayant ladite espee dudit de Manny apres
[77]
luy ou ilz trouverent ledit Francois Guyton, auquel
[78]
ledit suppliant dist, l'appellant son cousin, que luy
[79]
baillast son espee et qu'il tenoit celle dudit de Manny,
[80]
l'appellant meschant. Ce que reffuza ledit Guyton
[81]
disant qu'il ne savoit que on luy vouloit fere. Et
[82]
sur ce propos, arriverent quelques personnes en ladite
[83]
salle dont ledit suppliant n'est membré des noms
[84]
qui dirent audit Francoys Guyton que fust allé
[85]
veoir ledit Julien, son frere et qu'il estoit mort. Et incontinent
[86]
sortit ledit Francois hors ladite salle et alla en la
[87]
methairie dicelle maison du Premorel ou en autre
[88]
lieu pour veoir ledit Julien, son frere. Et apres
[89]
que celluy Francoys fut dehors dicelle salle,
[90]
s'aprocha ledit de Manny dudit Chesnel, suppliant, luy
[91]
demandant son espee et luy frappant sur l'espaulle
[92]
disant que par la chair dieu, il vengeroit son amy,
[93]
et que ledit suppliant ne scavoit pas bien tout. Quoy
[94]
voyant, ledit suppliant craignant estre oultraigé, rendit <234 recto>
[95]
ladite espee audit de Manny. Et cuydant celluy
[96]
suppliant qui estoit sourprins de vin que ledit de Manny
[97]
eust passé sa collere et maltallant, dist audit de Manny,
[98]
l'appellant meschant que s'en fust allé hors
[99]
icelle maison, puix qu'il voulloit fere follye. Et
[100]
n'avoit lors ledit suppliant congnoissance que ledit
[101]
Julien feust bleczé a mort. Et a ceste cause,
[102]
ne monstroit avoir couroux contre ledit de Manny.
[103]
Et apres avoir celluy de Manny recouvert sadite
[104]
espee, s'en sortit dicelle salle tenant icelle espee nue
[105]
en la main. Et apres luy, sortirent pareillement lesdits
[106]
suppliant et Guillaume Hamon pour garder ledit de Manny
[107]
de fere oultraige a personne, et par doulces parrolles ou
[108]
autrement, l'auroint faict retourner en ladite salle
[109]
en laquelle estoit la femme dudit Francois Guiton,
[110]
laquelle voyant ledit de Manny avoir ladite espee nue,
[111]
auroit prins celluy de Manny au corps luy disant
[112]
qu'il ne failloit avoir noayse. Et sur ce, ledit de Manny
[113]
osté d'entre les mains de ladite femme, la menassant
[114]
de la frapper, tenant tousiours sadite espee nue,
[115]
et lors ledit suppliant pour ladite femme dudit Guyton
[116]
la bouhourdant et donnant ayde audit de Manny. Et
[117]
eulx deux assemblement la abbatirent contre terre,
[118]
abbatirent les tables, bancs et escabeaux estans en ladite
[119]
salle ouquel debat ladite femme fut quelque peu blessee
[120]
ou flanc et en une jambe. Et apres tout ce, lesdits
[121]
de Manny, suppliant et Hamon s'en sortirent dicelle salle,
[122]
et a l'entree d'une chambre estante en la court dudit lieu
[123]
du Premorel, rencontrerent lesdits Francoys Guyton
[124]
auquel celluy de Manny s'efforcza fere oultraiges et
[125]
exces, luy donnant menaces de le tuer. Lequel
[126]
Guiton en doulces parrolles s'excusa gracieusement et mist
[127]
ses poignart et espee qu'il avoit sur la table
[128]
de ladite chambre. Et lors celluy de Manny fut prins
[129]
par quelques gens de ladite maison pour l'empescher de
[130]
de[sic] mectre son mauveix vouloir a execucion. Et luy
[131]
estant ainsi tenu, dist qu'il ne luy challoit d'avoir <234 verso>
[132]
tué ledit Jullien et qu'il en auroit encore ung. Desquelles
[133]
parolles, ledit suppliant, desplaisant, blasma ledit de Manny
[134]
sans toutesfoiz s'aprocher de luy pour l'austerité et
[135]
fureur dudit de Manny qui tenoit sadite espee
[136]
nue. Et apres ce, lesdits suppliant, de Manny et Hamon
[137]
se seroint retirez et montez sur leurs chevaulx,
[138]
et auroit celluy suppliant pryé et requis ledit de
[139]
Manny de aller avecques luy en sadite maison de La
[140]
Chappronnaye de craincte que ledit de Manny
[141]
ne fust retourné a ladite maison du Premorel
[142]
et qu'il y eust faict quelque oultraige, ce que
[143]
ledit de Manny luy accorda ; et s'en partirent
[144]
assemblement pour aller a ladite maison de La Chapronnaye.
[145]
Touteffoiz, bientost apres, ledit de Manny retourna
[146]
audit lieu du Premorel pour avoir sadite espee ou le
[147]
plommeau* dicelle s'efforczant y entrer par
[148]
force comme ledit suppliant a entendu, et faisant
[149]
plusieurs sermens et blaphemes. Et aussi a ledit
[150]
suppliant entendu que le lendemain, le lacaiz
[151]
dudit suppliant retourna audit lieu du Premorel
[152]
pour recouvrer l'espee dudit de Manny sans
[153]
touteffoiz que ce fust du commandement dudit suppliant.
[154]
Et au moien dudit coup donné par ledit de Manny
[155]
audit Julien Guyton, celluy Julien le sabmedy ensuivant
[156]
est allé de vie a deces. Nous remonstrant
[157]
oultre ledit suppliant que pour raison dudit cas il
[158]
a esté aiourné comparoistre en persone et par arrest
[159]
en notre court de Rennes ou la matiere a esté par nous
[160]
evocquee, a laquelle court il s'est liberallement
[161]
comparu, et a esté constitué prisonnier es prinsons
[162]
dicelle court ou il a esté detenu par l'espace de
[163]
six moys, encores y est a present en grande
[164]
calamité et misere. Et avoir notre procureur dudit
[165]
Rennes faict accusation de ce que dessus contre ledit supliant <235 recto>
[166]
qui a proposé ses justifications et allegué reproches
[167]
sur partie des termes dudit procureur. Et pour icelles reproches
[168]
trouver a faict enquerrir quelques tesmoins lesquelz
[169]
fut ordonné que ledit supliant feroit retourner ;
[170]
a quoy il a fourny en partie. Et pour quelque varieté
[171]
ou autre cas auroit esté ung des termes dudit supliant
[172]
constitué prinsonnier apres avoir esté reinterrogé.
[173]
Au moyen de quoy les autres tesmoings doubtans
[174]
semblablement estre emprinsonnez, se seroint
[175]
absentez, et avoir ledit suppliant faict diligence de les
[176]
fere retourner ce qu'il n'a peu fere. Et ne veult
[177]
ledit suppliant suyvre ladite allegance de reproche ne
[178]
seyder de la [??] diceulx termes. Et estre ledit
[179]
suppliant de bon rest et gouvernement, doulx et paisible,
[180]
apartenant de lignage a plusieurs bons et notables personnages,
[181]
sans jamais avoir esté accusé d'aulcun villain cas
[182]
digne de reprehention. Et par avant ledit debat et
[183]
conflict, lesdits suppliant et Francoys Guyton s'estoint
[184]
porté bonne et grande amytié sans avoir eu aulcune
[185]
querelle ne different, et durant la maladie
[186]
dudit Julien, avoir celluy suppliant esté veoir visiter
[187]
ledit Julien et sondit frere audit lieu de Premorel
[188]
ou il a esté honestement recueilly sachans lesdits les
[189]
Guytons qu'il n'avoit esté cause dudit debat. Nous
[190]
suppliant qu'il nous plaise a ce que dessus avoir esgard
[191]
et actandu que ledit supplians ne fut cause dudit
[192]
conflict et que en icelluy il ne evagina sadite
[193]
espee, luy conceder noz lettres de grace, remission
[194]
et pardon dudit cas sur ce convenables, tres humblement
[195]
nous requerant icelles, pour quoy nous, etc.

Morice