Placet de rémission pour Jacques de Beaumanoir

Registre B34 Lettre n° 27

01/06/1532

<109 verso>
Placet pour Jacques de Beaumanoir de pouvoir
presenter en ce pays et duché certain lettres de
remission de il obtenues en France et en
demander entherinance devant les juges
et chacun ou elles soy dirigent, desquelles
lettres de remission la teneur ensuilst.
[1]
Francois, par la grace de dieu, roy de France, pere
[2]
legitime administrateur et usufructuaire des biens de
[3]
notre tres cher et tre amé filz le dauphin duc et Sr propriétaire
[4]
des pays et duché de Bretaigne, savoir faisons a tous presents et
[5]
advenir, nous avoir receu l'humble suplicacion des parens
[6]
et amys charnelz de Jacques de Beaumanoir, escuyer, Sr Du Bois
[7]
de La Mothe, Contenant que le xxviie jour du moys de janvier derroin
[8]
passé, ledit de Beaumanoir estant a cheval, sortit hors
[9]
sadite maison du Bois de La Mothe, pres d'aller conduire Thomas
[10]
de Quebriac, Sr dudit lieu et autres personnaiges qui estoint
[11]
venuz iceluy jour veoir et visiter ledit de Beaumanoir et disner
[12]
avec luy, esperant ledit de Beaumanoir les conduire estant
[13]
a cheval et avec luy pour l'acompaigner ung nommé
[14]
Vaujoyeulx et Fierabras, filz bastard dudit de Beaumanoir,
[15]
et Jehan de Coetquen, seigneur de Maupiron, prochain parent
[16]
dudit de Beaumanoir. Et eulx estans prestz de partir
[17]
pour aller conduire ledit de Quebriac, apres avoir beu tout
[18]
a cheval en une place soubz les chesnes estans au-devant
[19]
ladite maison du Bois de la Mothe, survynt et arryva audit lieu
[20]
Nicolas de Cluhunault estant a cheval, accompaigné
[21]
d'un gentilhome nommé Laurens de Launay, et s'adressa
[22]
ledit de Cluhunaut audit de Beaumanoir. Et apres
[23]
la salutacion, ledit de Cluhumaut dist audit de Beaumanoir
[24]
telles parolles ou semblables : « L'on m'a dit que estes mal
[25]
contant de moy ! ce que ne croys pour ce que je ne l'ay deservy »
.
[26]
Duquel Cluhunaud, ledit Beaumanoir respondit : « Ne venez
[27]
jamays en tour de moy, je ne vous ayme point ! Esste
[28]
le bien et remuneracion que me fectes apres que vous ay
[29]
faict l'honneur de vous avoir marié a ma cousine
[30]
germaine, fille aisnee de Coetquen, qui estoit plus
[31]
grant bien et honneur que ne vous apartenoit ! Et
[32]
avez esté en la compaignie de ceulx qui me hayent
[33]
mortellement, me apporter ung moumon* en masque
[34]
et de nuyct a heure indeue pour se mocquer
[35]
de moy et me oultraiger. »
A quoy ledit <110 recto>
[36]
Cluhunault dist : « Je croy bien que vous m'avez faict
[37]
de l'honneur, mais je suys gentilhome et home de bien
[38]
et valloys bien avoir une femme de bien et de aussi
[39]
bonne maison que votre cousine et se ne feis
[40]
jamais meschant tour. »
A quoy ledit de Beaumanoir
[41]
fist reponse audit Cluhunault : « Vous avez souffert que
[42]
l'on me fist injure et mocquerie et fustes en la
[43]
compaignie que Guebriant et Lisle me
[44]
apporterent ung moumon a boisgle pour
[45]
se mocquer de moy et me oultraiger, ce
[46]
qu'ilz eussent faict si je ne me fusse retiré
[47]
et quant je fuz retiré en ma chambre a l'occasion
[48]
des parolles qu'ilz m'avoient dictes et de l'oultraige
[49]
qu'ilz me vouloient fere, je vous fis appeller
[50]
pour venir parler a moy ce que reffusastes
[51]
et ne voulustes venir en aulcune maniere
[52]
parler a moy. »
Et par ledit Cluhunault fut dict
[53]
et respondu : « Je ne pensoys pas que ledit Guebriant,
[54]
Lisle et vous eussez querelle ensemble et si je
[55]
eusse laissé leur compaignie, ilz m'eussent
[56]
peu reprocher et dire que j'eusse esté traistre.
[57]
J'en veulx croire mon maistre que voila, »
parlant
[58]
dudit Sr de Quebriac, « s'ilz ne me l'eussent pas
[59]
peu reprocher. »
Auquel Cluhunault, ledit de Quebriac
[60]
dist : « Vous me appellerez comme vous vouldrez
[61]
mais il fault fere l'appoinctement. »
Et quelque
[62]
peu de temps furent lesdits de Cluhunault et de
[63]
Beaumanoir sans parler de leurdit differant et
[64]
incontinent apres fut par ledit de Beaumanoir
[65]
commencé a reiterer lesdites parrolles disant audit
[66]
de Cluhunault qu'il luy avoit faict ung
[67]
meschant tour apres luy avoir faict de l'honneur
[68]
plus que a luy n'apartenoit et qu'il estoit
[69]
meschant homme. Et par ledit de Cluhunault
[70]
fut respondu audit de Beaumanoir qu'il n'estoit
[71]
point meschant home et qu'il ne disoit pas vroy <110 verso>
[72]
et qu'il estoit home de bien et par ledit de Beaumanoir
[73]
fut dit en blaphemant le nom de dieu : « C'est
[74]
vous que avez menty. »
Et apres se estre desmenty,
[75]
l'un l'autre desguenerent leurs espees desquelles
[76]
ilz ruerent pluseurs coups l'un sur l'autre sans
[77]
touteffoiz eulx bleczer pour l'heure. Et lors
[78]
ledit Quebriac dist audit Cluhunault qu'il se retirast
[79]
ce que ledit Cluhunault voulut fere et voulut
[80]
destournouer son cheval mais a l'occasion de
[81]
ce qu'il avoit une des resnes de la bride
[82]
rompue ou coupee, ne peut si aysement
[83]
et luy estant tourné et ayans prins son chemyn
[84]
pour s'en retirer, ledit Fierabras au moien
[85]
de l'injure et oultrage que ledit Cluhunault
[86]
avoit voulu fere audit de Beaumanoir, son pere,
[87]
picqua son cheval apres ledit Cluhunault
[88]
et luy donna ung coup d'estoc par derriere
[89]
et pareillement ledit de Beaumanoir picqua
[90]
son cheval quant et ledit Fierabras et
[91]
donna audit Cluhunault ung coup d'estoc
[92]
par devant qui passa oultre le corps dudit
[93]
Cluhunault. Au moien desquelz coups ainsi
[94]
par lesdits Fierabras et de Beaumanoir
[95]
donnez ledit Cluhunault tomba par terre
[96]
de dessus son cheval et quelque peu de
[97]
temps apres seroit allé de vie a trespas.
[98]
Et depuis ledit de Beaumanoir s'est
[99]
rendu fugitif et a tenu franchise
[100]
et depuix ajourné sur ledit cas par notre
[101]
court de Rennes a laquelle il a deffailly
[102]
envers notre proces. Nous humblement requerans
[103]
lesdits supplians que actandu que ledit de
[104]
Beaumanoir s'est employé au faict de <111 recto>
[105]
noz guerres et que en tous autres cas il
[106]
est bien famé et renomé sans jamais avoir
[107]
esté actainct ne convaincu d'aulcun aultre
[108]
villain cas, blasme ou reproche, il nous
[109]
plaise en l'honneur et reverance de la benoiste
[110]
Passion de notre saulveur et redempteur Jhesu Crist
[111]
qui fut a tel jour qu'il est aujourd'huy luy
[112]
impartir noz grace et misericorde.
[113]
Pour ce est-il que nous ces choses considerees
[114]
voullans misericorde preferer a rigueur de
[115]
justice audit Jacques de Beaumanoir a la
[116]
supplication et requeste desusdits parens et amys
[117]
charnelz, a nous en l'honneur et reverance de ladite
[118]
benoiste passion de notre saulveur et redempteur
[119]
Jesu Crist, quicté, remis et pardonné et par
[120]
ces presentes de notre grace especial plaine
[121]
puissance et auctorité, remectons, quictons et
[122]
pardonnons le faict et cas dessusdit avecques
[123]
toute peine offence et amande corporelle,
[124]
criminelle et civille. En quoy pour occasion dudit
[125]
cas, il pourroit estre encouru envers
[126]
nous et justice en mectant au neant
[127]
tous ajournemens, deffaulx, sentence, appeaux,
[128]
ban, bannissemens, proces, procedeures et tout ce
[129]
generallement qui pour occasion dudit cas s'ensuyvit
[130]
ou pourroit estre contre luy ensuyvy. Et
[131]
de notre plus ample grace, l'avons
[132]
remis et restitué, remectons et restituons
[133]
a ses bonne fame et renommee ou pays et a ses
[134]
biens non confisquez, satisfacion fecte a partir
[135]
civillement tant seullement si fecte n'est. Et sur ce
[136]
imposons silence perpetuel a notre procureur
[137]
present et a venir et a tous autres si donnons
[138]
en mandement par cesdites presentes aux senneschal, <111 verso>
[139]
alloué et lieutenant de Rennes en la senneschaussee
[140]
et juridicion desquelz ledit cas est avenu, et a tous
[141]
noz autres justiciers et officiers que de nos
[142]
presentez grace, quictance, remission et pardon ilz
[143]
facent, seuffrent et laissent ledit Jacques
[144]
de Beaumanoir jouyr et user plainement et
[145]
paisiblement sans pour occasion dudit cas luy
[146]
mectre ou donner ne souffrir estre
[147]
faict mis ordonné ores et pour le temps
[148]
a venir en corps ne en biens aulcun arrest
[149]
destourbier ne empeschement lequel si
[150]
faict mis ou donné luy avoit esté ou estoit
[151]
ilz luy mectent ou facent mectre
[152]
incontinent et sans delay a plaine et entiere
[153]
delivrance et affin que ce soit chose
[154]
ferme et estable a tousiours, nous avons
[155]
faict mectre notre seel a cesdites presentes
[156]
sauf en autres choses come droict
[157]
et l'autruy en toutes. Donné a Argentein
[158]
ou moys de mars l'an de grace
[159]
mil cinq cens trante ung avant
[160]
Pasques et de notre regne le dix huitiesme .
[161]
Ainsi signé sur le reply, Par le
[162]
Roy, et au-dessoubz Breton et seellé
[163]
de cire vert en laz de soye rouge
[164]
et vert. Et est escript sur ledit reply,
[165]
visa et plus bas contentor Deslandes.
[166]
Et dessus le reply est escript en l'honneur
[167]
du Saint vendredy, commandee a Argenten le
[168]
premier jour d'apvril mil vcxxxii apres
[169]
Pasques. Ainsi signé Kervillier.

De Kerguern