28/08/1532
<177 recto>
Abolucion
pour Jehan Gaultier le jeune de la
parroisse
de Vay, la
verifficacion aux
juges de Nantes.
[1] Francois,
etc,
savoir faisons, nous
avoir receu l'
humble
[2] supplicacion et requeste de
notre subgect Jehan
[3] Gaultier le jeune de la
parroisse de
Vennes[sic] ou diocese
[4] de Nantes, Contenant que le
jour et feste de l'
ascension
[5] derroin, comme a l'apres disner quel est industrie
[6] et faiseur de peiges a prandre renars, eust prins
[7] chemyn a aller de sa
demeurance au lieu et
[8] Srie du Vaugnerin distant d'un quart de lieue
[9] veoir a certains engins
et peiges quel avoit
auparavant
[10] tendu sur espoir de prandre renarz,
et eust porté
[11] avecq luy ung cousteau en faczon de braquemare
*
[12] a coupper des
porches pour ses hengues
*. Et passant
[13] tout
droit le grant chemyn estant au-devant de la maison
[14] d'une
nommee La Judalecte quelle tient taverne
[15] sur
ledit grant chemyn, lez
ledit bourg de Vay, sortit
[16] hors de
ladite taverne, Vincent, filz de
ladite Judalecte
[17] asgé de vingt troys ans ou environ, lequel
[18] tout eschauffé
et esfrené demanda
audit suppliant :
[19] « Viencza ou portes-tu ce grant grate-navet ? » parlant
[20] dudit bracquemare et luy dist :
« Atens-moy ! » Et
[21] pour tant que le matin
dudit jour,
ledit Vincent
[22] avoit menassé a oultrage
ledit suppliant
[23] estant ou
cymitiere de
ladite eglise de Vay, se mist
[24] a haster son pas
et a s'en aller
disant audit
[25] Judalect :
« Que voullez-vous ? » Et alors
ledit
[26] Judalect luy dist qu'
il ne luy voulloit nul mal.
[27] Et
neantzmoins courut de grande
puissance vers
[28] ledit suppliant le print au collet
et le gecta
contre
[29] terre
oudit grant chemyn au
dessur de la maison
[30] d'un
nommé dom
Thomas Bricaud ; et monta sur
[31] ledit suppliant o les piedz et o les genoulz et
longuement
<177 verso>
[32] et griesvement le pressa, blessa
et foulla. A raison
[33] desquelz exceix fut
ledit suppliant contrainct crier
[34] a haulte voix :
« La force, a nous ! » Et
pourtant
[35] ne laissoit
ledit Judallect de donner de grans
[36] coups
audit Gaultier
suppliant et le tragna
[37] longue espace de temps
par ledit chemyn,
[38] neantzmoins sondit cry de force. Et qu'il dist
[39] audit Judallet par celles
parrolles ou
semblables :
[40] « Vincent, mon amy, je vous pardon si je
[41] vous feiz jamais riens. Je vous prye le
[42] me pardonner. Je ne porte point de baston
[43] pour l'amour de vous et ne vous veil nul mal. »
[44] Quel bracquemare s'esforczoit
ledit Judallet
[45] oster
audit Gautier
suppliant qui le tenoit
parr
[46] la poignee et ne voulloit le lascher
[47] craignant en
estre tué par
ledit Judallet.
[48] Et
tellement pourtirerent icelluy baston qu'
ilz
[49] le evaginerent. Et
tousiours continuoit
[50] celluy supliant sondit cry de force auquel cry
[51] vint et s'
aprocha desdits Judalect et
[52] suppliant une
nommee Jehanne Lemoene
[53] laquelle blasma celluy Judallect
[54] de ainsi
longuement baptre et exceder
ledit
[55] suppliant luy requerant
pour l'
amour de dieu
[56] que n'achevast point de le tuer. A la requeste
[57] de laquelle Jehanne laissa
celluy Judallect
[58] ledit supliant. Et
apres ledit suppliant estre
[59] relevé,
ledit suppliant appella des
temoins
[60] pour recorder de l'oultraige que luy avoit
[61] faict
ledit Judallect. Et ce voyant
ledit
[62] Judallet dist
par telles parolles
audit suppliant :
[63] « Tu prens des temoins par le sang dieu ! Tu en
[64] auras encores ! » Et print celluy Judallet
<178 recto>
[65] des pierres
et roches
oudit chemyn
et de toute
[66] sa
puissance en gecta
plusieurs contre ledit supliant
[67] d'une desquelles il le attaignit quasi entre
[68] les deux espaulles
tellement qu'il le abbatit
encores
[69] a terre
et il ainsi tombé, se gecta
ledit Judallet
[70] qui estoit encores eschauffé et tout prins de vin et
[71] aveugle
par la continuacion
desdits exceix contre
[72] ledit suppliant qui estoit si las qu'il ne se povoit
[73] lever ne fouyr. A raison
desdits grans oultraiges
[74] ledit suppliant tenant
sondit baston entre
[75] luy et
ledit Judallet sans le lancer ne en
[76] gecter coup
ledit Judallet tendant joindre
[77] du corps
ledit Gaultier se passa
ledit Judallet
[78] celluy baston a travers le corps au-dessus
[79] de la penilliere
*. Et en l'instant laissa celluy
[80] Judallet
ledit Gaultier
et s'en
retourna au-devant
[81] de
sadite demeurance ou sa mere
et plusieurs
[82] prebtres estoient, les gardans se batre. Et
[83] ledit Judallet ainsi arrivé a
sadite mere, elle
[84] luy dist :
« Et la ! la ! garczon ! tu laisseras-tu baptre ? »
[85] A quoy il respondit :
« Ma mere, je me suys blessé
[86] moy mesmes. » Et osta les mains de dessur la playe
[87] et tomba mort sur l'entree de l'huys de la
demeurance
[88] de
sadite mere. Et voyans les
presens disoint que c'estoit
[89] de peché qu'il avoit celluy
jour par deux foiz batu
[90] sadite mere ainsi qu'estoit coustumee de faire.
[91] Remonstrant oultre
ledit suppliant que
celluy Judallet
[92] estoit tout
notoirement reputé de plus mauveix
[93] rest
et gouvernement que l'on avoit de longtemps
[94] veu jeune
home oudit cartier
et parroisse de Vay,
[95] et
ledit suppliant doulx
et paisible asgé de dix neuf
<178 verso>
[96] a vingt ans, bon
laboureur, bien vivant et
[97] usant de bonne industrie
*, et a ceste cause
[98] nous a supplyé
et requis qu'il nous plaise
[99] a ce
avoir esgard et luy
impartir noz
lettres
[100] d'abolicion
et quictance dudit cas sur ce
convenable,
[101] tres
humblement le nous requerant.
Pour quoy
[102] nous
lesdites choses
considerees,
etc.